Jennifer Morgan, secrétaire d’Etat et représentante spéciale pour la politique climatique internationale auprès du ministère des affaires étrangères allemand, a effectué son premier déplacement officiel à Paris, jeudi 20 octobre. Dans un entretien au Monde, l’ex-patronne de Greenpeace International (2016-2022) répond aux critiques sur la décision de l’Allemagne de recourir davantage au charbon et au gaz naturel liquéfié (GNL) pour produire de l’électricité dans le contexte de la guerre en Ukraine. Elle revient également sur la crise énergétique qui rend plus difficile la lutte contre le changement climatique, avant la conférence mondiale sur le climat (COP27), qui se tiendra, du 6 au 18 novembre, à Charm El-Cheikh (Egypte).
Ces derniers mois, l’Allemagne a réactivé des centrales à charbon et a décidé de construire des terminaux flottants d’importation de GNL. Ces décisions sont-elles compatibles avec ses objectifs climatiques ?
Les décisions que nous avons dû prendre pour réduire notre dépendance à la Russie ont été douloureuses, c’est évident, mais ce sont des décisions de court ou moyen terme, directement liées à la guerre en Ukraine et à la nécessité de sécuriser nos approvisionnements énergétiques dans les mois qui viennent. Cela ne doit pas empêcher de voir ce que nous faisons à long terme. Or, là-dessus, nos objectifs restent extrêmement clairs et ambitieux, comme celui d’avoir 80 % de notre électricité issue des énergies renouvelables en 2030 ou d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2045.
Par ailleurs, le fait que nous ayons davantage recours au charbon dans les prochains mois nous rend, en réalité, encore plus volontaristes pour la suite. C’est ainsi que nous venons de signer un accord avec notre plus gros fournisseur d’énergie [RWE] qui va l’obliger à sortir du charbon dès 2030, soit huit ans plus tôt que prévu. Cela permettra d’économiser 280 millions de tonnes de CO2.
L’activiste suédoise Greta Thunberg a récemment déclaré à la télévision allemande que, pour l’avenir du climat, Berlin ferait mieux de prolonger ses centrales nucléaires que de relancer ses centrales à charbon. Que répondez-vous ?
La même chose que pour le charbon. Comme l’a décidé notre chancelier [Olaf Scholz], lundi, nous allons prolonger de quelques mois nos trois dernières centrales encore en activité, afin de pouvoir passer l’hiver : voilà pour l’objectif de court terme. Mais cela ne change en rien la position fondamentale de l’Allemagne, à savoir que nous considérons que le nucléaire appartient au passé. A long terme, il n’est donc pas question de relancer le nucléaire, mais bien de miser à fond sur les renouvelables.
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