Sous la glace de l’Antarctique, il se passe des choses que l’on ne soupçonne pas. Il y a quelque temps, les chercheurs y avaient trouvé des lacs. Voilà qu’aujourd’hui, ils nous révèlent qu’il y coule un fleuve de plusieurs centaines de kilomètres de long. Et que cela pourrait avoir des conséquences fâcheuses sur la fonte de la glace dans le contexte de réchauffement climatique.
Il y a quelques décennies, les chercheurs ont découvert que des lacs se cachent sous la glace de l’Antarctique. Et peu à peu, ils ont compris que ces lacs sont interconnectés. Reliés par des cours d’eau, parfois de taille. Comme ce fleuve de quelque 460 kilomètres de long qu’une équipe internationale vient de mettre au jour. Quatre cent soixante kilomètres, c’est un peu moins que la Garonne et ses 529 kilomètres. Bien plus que la Tamise (Royaume-Uni) et ses 346 kilomètres.
Ce qui est important, surtout, c’est que les chercheurs montrent que ce fleuve collecte de l’eau à la base de la calotte glaciairecalotte glaciaire de l’Antarctique, dans une zone de la taille de l’Allemagne et de la France réunies. De quoi indiquer que cette base de calotte glaciaire présente un débitdébit d’eau plus actif que le pensaient jusque-là les scientifiques. Et cela pourrait la rendre plus sensible aux changements climatiques. Alors, quand on sait que tout se joue dans une région qui retient suffisamment de glace pour élever le niveau de la mer de plus de quatre mètres…
Rappelons que l’eau peut se former sous les calottes glaciaires de deux manières. Dans l’ArctiqueArctique, par exemple, la surface fond fortement l’été. De grandes quantités d’eau s’écoulent alors à travers des crevasses pour rejoindre le fond. En Antarctique, les étés restent trop froids pour ça. C’est pourquoi les chercheurs pensaient que peu d’eau se cachait sous la glace. Même si la fontefonte de la base – causée par chaleurchaleur naturelle de la TerreTerre et la frictionfriction lorsque la glace se déplace – pouvait en former un peu.
Le chaînon manquant des modèles de fonte de la glace
Mais les relevés radar réalisés par cette équipe racontent une autre histoire. Celle d’une fonte basale bien plus importante que ne l’avaient imaginé les scientifiques. Or ce n’est qu’en comprenant pourquoi la glace fond que les modèles peuvent correctement prévoir la fonte à venir sous l’effet du réchauffement climatiqueréchauffement climatique. « Cette découverte pourrait être le chaînon manquantchaînon manquant dans nos modèles », commente Christine Dow, chercheuse à l’université de Waterloo (Canada), dans un communiqué de l’Imperial College London (Royaume-Uni).
« Nous pourrions grandement sous-estimer la rapidité avec laquelle l’Antarctique fondra en ne tenant pas compte de l’influence de ces systèmes fluviaux. » Car la rivière nouvellement découverte émerge dans la mer sous une plateforme de glaceplateforme de glace flottante. L’eau douce de la rivière soulève de l’eau plus chaude vers le bas de la banquise, la faisant fondre par la base. Compte tenu de la longueur de ce fleuve, qui atteint des centaines de kilomètres à l’intérieur des terres, le processus pourrait jouer bien plus largement que le pensaient les chercheurs.
Les scientifiques entrevoient aussi qu’avec le réchauffement climatique et la survenue d’étés plus chauds à l’avenir, la fonte de surface pourrait devenir suffisante à faire ruisseler de l’eau jusque sous la calotte glaciaire. Avec des effets importants sur les systèmes fluviaux qui s’y cachent. Et une accélération de la fonte de la glace. Sans parler des potentielles boucles de rétroactionrétroaction – plus d’eau entraînant plus de friction et plus de fonte basale – qui pourraient encore amplifier le phénomène. Pour en avoir le cœur net, les chercheurs vont partir en quête de données supplémentaires sur des régions plus vastes encore de l’Antarctique.
Des rivières inconnues découvertes sous les glaciers de l’Antarctique
Dans les années 60, les systèmes radar de satellites et d’avions avaient révélé la présence de nombreux lacs sous les glaciers de l’Antarctique, à plusieurs centaines de mètres de profondeur. Les scientifiques pensaient jusque là que ces laboratoires biologiques étaient isolés et abritaient peut-être des formes de vie originales, subsistant dans des conditions extrêmes.
Dans une lettre adressée à la revue Nature, une équipe de chercheurs britanniques remet ce fait en question, et annonce avoir mis au jour un réseau de rivières reliant les différentes étendues d’eau. Selon eux, certaines liaisons sub-glaciaires seraient aussi larges que la Tamise !
Article de Christophe Olry paru le 20/04/2006
Des lacs sub-glaciaires qui intriguent et passionnent
Au début, on croyait la présence d’eau liquideliquide sous les glaciers de l’Antarctique impossible : il y faisait trop froid. Dans les années 60, les images radar avaient prouvé le contraire, et montré qu’au moins 150 lacs se dessinaient dans les profondeurs. Le plus grand d’entre eux, avec 250 kilomètres de long et 40 kilomètres de large : le lac Vostok ; on lui attribue volontiers un âge compris entre 15 et 20 millions d’années.
Depuis la découverte de ces lacs sub-glaciaires, nombre de scientifiques nourrissaient l’espoir de forer la glace, de prélever des échantillons d’eau, et d’y trouver des formes de vie. En effet, si ces étendues étaient isolées – comme on le pensait jusque là – et avaient évolué indépendamment l’une de l’autre, à l’abri de l’atmosphère, qui sait ce qu’on aurait pu y trouver ? Des formes de vie subsistant dans des conditions extrêmes, conditions semblables à celles régnant dans l’océan glacé d’Europa ?
Des rivières larges comme la Tamise…
Les recherches les plus récentes ont été menées par des scientifiques du Nerc (Natural Environment Research Council), qui ont balayé l’Antarctique à l’aide du satellite ERS-2ERS-2 de l’ESAESA. Les analyses ont révélé des variations dans la hauteur de glace, par rapport aux précédentes cartographies, qui ne pouvaient correspondre qu’à des mouvements d’eau, et donc à un système de connexions : « Découvrir qu’une section entière de 30 kilomètres sur 10 kilomètres s’était déplacée à la verticale était une surprise de taille. La seule explication possible était une circulation d’eau. » explique le professeur Wingham.
Les chercheurs britanniques supposent que, régulièrement, des massesmasses d’eau se déplacent d’un lac à l’autre, en empruntant des rivières qui peuvent atteindre la taille de la Tamise. En temps normal, ces mouvementsmouvements sont modérés mais, lorsqu’un lac est sous pressionpression, il peut sauter comme un bouchon et engendrer des inondations sub-glaciaires qui se déplacent sur des kilomètres.
Ainsi, les différents lacs qui courent sous les glaciers de l’Antarctique ne sont pas si isolés qu’on le pensait, et prélever des échantillons pourrait voir la contaminationcontamination de l’ensemble du réseau. Enfin, il est possible que, par le passé, certains de ces lacs se soient déversés dans l’océan…