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ces influenceurs qui s’adaptent au réchauffement climatique


Le secteur de l’influence est régulièrement critiqué pour son impact climatique. Certains influenceurs, après une prise de conscience sur les enjeux écologiques, ont modifié leurs contenus. Une décision qui reste difficile à prendre en raison du modèle économique de ce métier.

L’un des concepts de Benjamin, alias Tolt sur les réseaux sociaux, c’est de déconstruire des clichés sur des destinations qu’il a appréciées. Sur l’une de ses deux chaînes Youtube, on trouve ainsi des vidéos intitulées “N’allez pas au Brésil” ou “The truth about Iran” (“La vérité à propos de l’Iran”). Mais le 12 janvier 2020, cet influenceur voyage publie une séquence très différente: “Pourquoi j’arrête de prendre l’avion.”

“J’ai toujours été préoccupé par l’environnement, mais il y avait un mélange d’ignorance et de déni sur l’avion”, explique-t-il à BFMTV.com. “J’ai commencé à m’exprimer sur l’écologie dans le privé et sur les réseaux et mon entourage m’a renvoyé à cette contradiction. Ça m’a poussé à creuser le sujet de l’aérien et je me suis rendu compte que c’était totalement incompatible avec nos objectifs climatiques.”

De fait, pour limiter le réchauffement climatique à 2°C en 2100, le Giec estime que la quantité de CO2 émise par personne chaque année devrait se situer entre 1,6 et 2,8 tonnes. Un simple aller-retour entre Paris et New York représente déjà l’équivalent de 1,7 tonne, selon l’Ademe.

La Moselle plutôt que le Brésil

Si Benjamin est resté influenceur voyage, il n’a donc pas redécollé pour une destination à l’autre bout du monde. Sur la chaîne de Tolt: plus d’images du Liban ou du Brésil, mais des paysages du Berry, de Moselle, de Lozère… Son objectif est simple: “Faire évoluer les imaginaires et ce qui est considéré comme désirable.”

“Il faut qu’on arrive à rendre sexy un voyage dans la Creuse, ou plus sexy qu’un voyage à Bali ou en Thaïlande”, assure-t-il. “Cela passe par les influenceurs, les médias.”

Le Giec ne dit d’ailleurs pas autre chose dans son rapport publié en 2022: “Les influenceurs sociaux et les leaders d’opinion peuvent accroître l’adoption de technologies, de comportements et de modes de vie à faible émissions de CO2”, estiment les spécialistes.

Une influenceuse beauté qui arrête la fast fashion

À force d’être interpellés, mais parfois en raison de leur cheminement personnel, certains influenceurs ont décidé d’adapter leurs pratiques professionnelles à la réalité de l’urgence climatique. Quitte à changer radicalement leur contenu, comme Sandrea.

La jeune femme a lancé en 2011 sa chaîne YouTube, alors appelée Sandrea26France, sur laquelle elle parlait notamment de beauté et de mode. Pour se rémunérer, elle effectuait notamment des placements de produits, travaillant avec “toutes les plus grandes enseignes de cosmétiques”, comme Sephora, et “avec des enseignes de mode, comme Boohoo, des marques de fast fashion principalement”.

Même sans être rétribuée, elle commandait pour ses vidéos. “Je faisais une série où je testais pour mes abonnés certaines marques, comme Shein”, cite-t-elle par exemple. La marque est l’un des symboles de l’ultra fast fashion, avec une collection renouvelée en permanence et un large usage du polyester, une fibre synthétique créée en partie avec du pétrole.

L’influenceuse résidant aux États-Unis décrit une consommation de vêtements “excessive, voire impulsive”.

“Il m’est arrivé de recevoir des commandes, de les ouvrir, d’à peine les déballer et de les laisser dans les plastiques puis de laisser la boîte dans mon bureau et d’y revenir un jour… Ou pas”, raconte Sandrea.

Au fur et à mesure, elle s’interroge: “Je voyais très bien que la qualité était déplorable et j’avais envie de pouvoir porter mes vêtements plus que une ou deux fois.”

Une “bonne influence”

Le véritable déclic se produit il y a deux ans: “C’est à ce moment que j’ai pris conscience de la crise écologique dans laquelle nous nous trouvons et je me suis dit qu’au-delà de diminuer, il fallait que j’arrête.” Selon l’ONU, l’industrie de la mode est responsable de 2 à 8% des émissions mondiales de CO2.

À l’été 2021, elle décide de ne plus acheter le moindre vêtement issu de la fast fashion. “Mon contenu ne dépendait que de mes achats ou de ce que je recevais, donc ne plus acheter ou recevoir m’a fait réviser complètement ce que je présente” sur internet, explique-t-elle.

Elle publie aujourd’hui principalement des vlogs, des vidéos où elle montre son quotidien et se dit “extrêmement contente de ce revirement”.

“Non seulement je peux espérer avoir une bonne influence mais en plus je trouve que mon contenu est beaucoup plus intéressant et pertinent”, assure-t-elle.

Un enjeu financier

Mais pour Sandrea comme pour Tolt, prendre un tel virage n’a pas été anodin pour leurs finances. En 2018, 50% des revenus de Benjamin venaient de compagnies aériennes. Quand il décide d’arrêter l’avion, il se laisse l’année 2020 comme transition pour stabiliser ses revenus.

Finalement, la pandémie ne lui a pas laissé le choix. Elle n’a pas non plus entraîné pour lui une baisse de revenus, au contraire. “À la sortie du Covid, il y avait une volonté de l’État de relancer le tourisme, avec des institutions publiques qui avaient plus de moyens” pour proposer des opérations comme un partenariat avec un influenceur, explique-t-il.

Ses revenus viennent désormais principalement de collaborations avec des comités départementaux ou régionaux de tourisme. Il affirme que son chiffre d’affaires a augmenté de 80% en 2021 par rapport à l’année précédente (où il était à peu près équivalent à 2019).

“Prendre des décisions visant à réduire l’empreinte carbone n’a pas forcément des répercussions négatives au niveau économique”, assure le créateur. “Elles peuvent même être positives.”

Ce n’est pas forcément le cas. Sandrea estime par exemple que son virage écologique, la menant à choisir avec plus d’attention les marques avec lesquelles elle collabore, a entraîné une perte d’au moins un quart de son chiffre d’affaires.

Cet aspect économique est le principal frein aujourd’hui à un métier de l’influence réellement responsable, selon le collectif Paye ton influence, qui milite pour “réveiller le monde de l’influence sur les questions climatiques”.

Sa fondatrice, Amélie Deloche, l’explique à BFMTV.com: “Aujourd’hui, les industries qui paient le plus sont les plus polluantes, comme la fast fashion. Cela demande aux influenceurs de renoncer à certains revenus et certains n’y sont pas prêts”.

Le choix du renoncement

Sandrea reconnaît d’ailleurs qu’il est difficile parfois de s’en tenir à ses convictions. “Très récemment j’ai refusé de recevoir des produits Sandro, ça fait mal parce qu’ils sont magnifiques mais j’essaie de ne plus du tout utiliser du neuf.”

“C’est beaucoup plus facile de continuer à faire les choses telles qu’on les a toujours faites pour se garantir un futur proche meilleur”, ajoute-t-elle.

“Le problème c’est que ce futur proche meilleur, ce n’est pas assez, j’ai une fille de 7 ans et j’ai envie qu’elle grandisse dans un monde qui puisse l’accueillir”, poursuit la créatrice.

Tolt, lui, fait souvent face à des commentaires ou des messages lui disant qu’il est facile pour lui de ne plus prendre l’avion puisqu’il en a bien assez profité auparavant. “Au contraire, quand on est habitués à un certain privilège, un certain luxe, il est plus compliqué de s’en passer”, répond-il, même si lui assure ne pas trouver cela difficile.

Une industrie encore peu portée sur l’écologie

Ces deux vidéastes font tout de même figure d’exception dans le métier. “Aujourd’hui, le monde de l’influence continue de promouvoir des modes de consommation complètement déconnectés de la réalité climatique”, estime Amélie Deloche.

Au-delà des voyages ou de la fast fashion, ils “appellent à des imaginaires de réussite liés au capitalisme”, regrette la militante: “Être heureux parce qu’on peut posséder, parce qu’on a de l’argent, alors qu’on doit réfléchir à mettre en avant de la sobriété.”

L'influenceuse Juste Zoé interpellée par Paye ton influence pour un voyage de quelques jours à Hawaï
L’influenceuse Juste Zoé interpellée par Paye ton influence pour un voyage de quelques jours à Hawaï © Paye ton influence/Instagram

Lorsque Squeezie a organisé en octobre le Grand Prix Explorer, une course de Formule 4 réunissant 22 personnalités d’Internet et diffusée en direct sur Twitch, certains internautes ont ainsi souligné l’impact environnemental de ce sport.

Le collectif Paye ton influence interpelle donc, sur les réseaux sociaux, ces influenceurs aux “modes de consommation complètement déconnectés de la réalité climatique”. Cela passe par un message privé, un commentaire sous une publication ou une story sur le compte Instagram du collectif, qui assure recevoir de plus en plus de réponses de la part des personnalités épinglées.

Un secteur qui change

En moins d’un an d’existence, Paye ton influence assure avoir déjà vu “de très gros changements”: “Les agences d’influenceurs comprennent que les enjeux écologiques doivent faire partie de leur stratégie.” Sollicitée par l’une d’entre elles, Amélie Deloche est ainsi intervenue en octobre devant des créateurs pour “leur donner des outils” d’influence responsable.

Son collectif recommande par exemple de fixer un maximum de 10 partenariats rémunérés par mois et de se renseigner sur l’impact carbone d’un voyage ou d’un événement presse. De leur côté, certains influenceurs appellent leur milieu à s’engager, comme Sandrea ou Tolt. D’autres “parlent d’éco-anxiété, partagent des contenus d’activistes ou parlent de ce à quoi ils ont renoncent”, souligne Amélie Deloche.

L'influenceuse Diane Perreau renonce à aller à la Fashion Week de Milan à cause de l'impact climatique d'un voyage en avion
L’influenceuse Diane Perreau renonce à aller à la Fashion Week de Milan à cause de l’impact climatique d’un voyage en avion © Paye ton influence/Instagram

Elle fait notamment référence à Diane Perreau, suivie par plus de 330.000 personnes sur Instagram. Après avoir échangé avec des abonnés sur le réchauffement climatique, et s’être renseignée par elle-même, cette influenceuse mode a renoncé en septembre à se rendre à la Fashion Week de Milan car cela impliquait d’y aller en avion.

“C’était faisable en train mais pas jouable sur les horaires”, avait-elle alors expliqué dans une story. “Juste pour vous montrer que les choses peuvent évoluer et changer”, avait-elle conclu.

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Written by Germain

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