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la France et le spectre du champignon maléfique


Octobre 1966 : une spectaculaire descente de police perturbe le Salon du champignon, qui se tient, comme chaque automne, au Muséum d’histoire naturelle. Directeur de l’établissement entre 1951 et 1965, et désormais à la tête du laboratoire de cryptogamie, le mycologue Roger Heim en a fait un rendez-vous prisé des Parisiens. Les forces de l’ordre le somment de retirer la vitrine sur les psilocybes, dont la plupart des espèces sont hallucinogènes. En France, depuis le 1er juin 1966, la psilocybine, une molécule extraite de ces champignons, a rejoint la liste des stupéfiants, au côté d’autres substances dites « psychédéliques », comme le LSD (diéthyllysergamide).

Le directeur du Muséum se plie à contrecœur à la requête des autorités. Dans ses laboratoires qui jouxtent le Jardin des plantes, il a identifié, en 1957, une espèce alors inconnue, le Psilocybe mexicana, permettant au chimiste suisse Albert Hofmann d’en isoler le principe actif l’année suivante – la psilocybine, donc. Roger Heim a découvert ce champignon au Mexique, à l’été 1956, au côté de son ami le plus cher, le banquier new-yorkais Robert Gordon Wasson. « Je n’ai certainement pas besoin d’insister sur le fait que la presse publie chaque jour des informations absolument fausses en ce qui concerne les drogues naturelles, écrit le mycologue au commissaire Jacques Arnal. Les champignons hallucinogènes du Mexique, utilisés pendant des siècles par les Indiens, n’ont occasionné aucun trouble sérieux. Ils sont certainement moins délétères que l’alcool de tequila extrait de l’agave qui les a remplacés» Dans cet échange tient tout le paradoxe français : bien qu’aux avant-postes de la recherche sur la psilocybine, une molécule qui nourrit aujourd’hui les espoirs de la communauté scientifique, l’Hexagone s’est très tôt focalisé sur ses dangers, réels ou fantasmés.

Une passion française

Son rôle de pionnier, notre pays le doit en partie à la francophilie de Robert Gordon Wasson, l’homme sans qui Roger Heim n’aurait pas mis la main sur le Psilocybe mexicana. Né en 1898, ce New-Yorkais découvre l’Europe à 16 ans, au cours d’un long voyage, seul, des deux côtés des Pyrénées. En 1917, il s’engage dans le corps expéditionnaire américain : il servira quatorze mois en France en tant qu’opérateur radio. Précoce, cette passion française ne le quittera plus. En 1926, c’est certes à une Russe qu’il se marie, la pédiatre Valentina Pavlovna Guercken, dont la famille s’est exilée à New York après la révolution bolchevique. Mais c’est en France que le couple passera la plupart de ses vacances, avec une prédilection pour la Provence, la Normandie et le Pays basque. D’autant que, une fois nommé vice-président des relations publiques de J.P. Morgan, en 1943, le banquier multipliera les voyages d’affaires à Paris.

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Written by Milo

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