C’est décidé, la France se lance dans une aventure scientifique pérenne en Arctique. Une station polaire française sera construite d’ici 2024, et devrait être opérationnelle pendant au moins une vingtaine d’années dès 2025, pour un budget de 18 millions d’euros – dont 13 millions tout juste débloqués ce mois-ci par le président de la République. La Fondation Tara Océan est aux manettes de ce projet présenté ce mardi à la presse.
Le but de ce bijou technologique, qui dérivera sur la glace et transportera jusqu’à 20 personnes : comprendre comment s’opère le changement climatique dans cette région, où il se manifeste de façon trois fois plus intense qu’à l’échelle mondiale. Des données seront récoltées par nécessité scientifique, mais également pour servir les intérêts géopolitiques de la France.
“En Arctique, les tensions seront extrêmes”
En 40 ans, 40% du volume du Pôle Nord a fondu. Et d’ici 2045, les chercheurs du Giec – les experts de l’ONU sur le climat – estiment qu’il n’y aura pratiquement plus de banquise l’été. La Chine et la Russie ne cachent pas leurs ambitions pour contrôler ce territoire de plus en plus accessible. 17% du PIB russe dépend déjà de cette région, en raison des ressources minières et en hydrocarbures sans cesse plus abondantes.
Pour la France, il est donc primordial de se renseigner sur la région, avance Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur des pôles. “La Chine sait très bien que les routes arctiques vont être libérées, et qu’une partie de son commerce pourra passer par le Nord en gagnant jusqu’à 30 jours de trajet”, explique-t-il.
“Il faut mettre la science en haut de l’agenda”
“C’est majeur, car tout d’un coup, vous avez une partie des 92% du commerce mondial qui passe par l’Arctique, par des routes qui seront, pour l’une d’entre elles, totalement sous souveraineté russe. Donc les tensions seront extrêmes”, insiste le diplomate. “Aujourd’hui, il faut vraiment mettre la science, la paix, la recherche en haut de l’agenda.”
La France, en retard en matière de connaissances scientifiques au Pôle Nord, a lancé en avril dernier une “stratégie polaire” de 700 millions d’euros, qui s’étend jusqu’en 2030, et dont 13 millions sont dédiés à cette station.
“Il était largement temps car nous avons perdu pied par rapport à d’autres pays, qui investissent jusqu’à quinze fois plus que nous”, argumente Olivier Poivre d’Arvor, à l’initiative de cette stratégie. “Les Allemands vont construire un brise-glace d’un coût d’un milliard d’euros qui va pouvoir aller en Antarctique et en Arctique. Donc nous avons décidé d’investir sur le champ scientifique, pour pouvoir retrouver la place qui était la nôtre au début du 20ᵉ siècle”, poursuit l’ambassadeur des pôles.
Les données récoltées par la Tara Polar Station serviront ainsi à la recherche, mais également aux armées françaises et à la diplomatie nationale dans le but de gagner une certaine légitimité scientifique afin de discuter encadrement et protection de cette zone convoitée avec les autres nations présentes dans la région.