Baroud d’honneur pour Jean-Bernard Lévy. Alors que l’Etat a lancé, au mois de juillet, la nationalisation d’Electricité de France (EDF), et s’est mis en quête d’accélérer la succession de son actuel patron, ce dernier ne désarme pas. Très remonté contre l’Etat, qui lui a imposé un bouclier tarifaire contre la hausse des prix, il a décidé d’attaquer le principal actionnaire du groupe (84 %) devant la justice. « EDF a déposé ce jour [mardi 9 août] un recours contentieux auprès du Conseil d’Etat, et une demande indemnitaire, pour un montant estimé à date à 8,34 milliards d’euros, auprès de l’Etat », a indiqué le groupe dans un communiqué. Il réclame l’annulation de l’augmentation des volumes d’électricité nucléaire vendus à bas prix à ses concurrents, des fournisseurs alternatifs, que lui a imposée l’Etat début 2022.
En vue de contenir la hausse des tarifs réglementés de l’électricité à 4 % cette année, EDF s’est vu contraint d’augmenter de 20 % le quota annuel vendu au rabais à ses concurrents, à 120 térawattheures (TWh), contre 100 TWh auparavant, et ce, alors que les coûts de l’électricité explosent sur les marchés de gros. Cette vente à prix cassés s’est effectuée dans le cadre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), un mécanisme imposé au groupe en 2011 afin de garantir, face aux exigences de Bruxelles, une forme de concurrence dans un marché dominé par EDF.
« Spoliation »
En mai, déjà, Jean-Bernard Lévy avait lancé un recours gracieux pour demander à l’Etat de revenir sur cette mesure. « Tant le prix que les conditions de ces attributions nous pénalisent considérablement », avait-il alors fait valoir. L’Etat, qui disposait de deux mois − soit jusqu’au jeudi 11 août − pour donner suite, a, depuis, fait la sourde oreille. En conséquence, EDF a choisi de saisir la justice administrative, alors que plusieurs syndicats et actionnaires ont, eux aussi, engagé des poursuites. « Bien que tardive et sur fond de règlement de comptes, cette démarche d’EDF est juste, juge Fabrice Coudour, secrétaire fédéral de la FNME-CGT. Mais il faut aller plus loin pour mettre un terme à tous nos maux en sortant l’énergie du marché, en plaçant l’intérêt général au premier plan et en menant une réelle nationalisation du secteur. »
De son côté, Energie en actions, l’association qui regroupe les actionnaires salariés et les anciens salariés du groupe, s’est félicité du recours déposé mardi 9 août, tout en regrettant que cette action ne soit pas intervenue en appui de ceux déposés par les représentants des actionnaires salariés pour dénoncer la « spoliation » de l’entreprise. A Bercy, on reste très serein. « L’Etat continuera à défendre le dispositif de rehaussement de l’Arenh devant le Conseil d’Etat, qui a encore rappelé, en juillet, l’intérêt général associé à cette décision », assure-t-on au ministère de l’économie. Selon le gouvernement, « sans ces mesures, en particulier le volume d’Arenh supplémentaire, les factures des ménages auraient augmenté de 35 % TTC ».