Les accusations d’Elon Musk concernant un nombre de faux comptes sous-estimé sur Twitter coïncident avec les révélations de Peiter Zatko, l’ancien chef de la sécurité de l’entreprise.
La tentative d’acquisition de Twitter par Elon Musk est un véritable feuilleton. Si le grand final est attendu en octobre avec la tenue d’un procès, une intrigue parmi les nombreux rebondissements a particulièrement retenu l’attention: l’affaire des faux comptes. C’est d’ailleurs ce désaccord entre le milliardaire et le réseau social qui a mené à l’arrêt de la procédure de rachat début juillet.
Les bots, un sujet avant même d’officialiser le rachat
D’après les documents transmis par Twitter aux autorités financières américaines depuis plusieurs années, l’application ne cumule que 5% de faux comptes. Ces utilisateurs factices sont majoritairement des “bots”, dont les messages sont générés automatiquement. Si certains ont un but ludique ou informatif, beaucoup sont utilisés à des fins politiques ou malveillantes, notamment dans le cadre de harcèlement en ligne.
Peu de temps avant d’officialiser son intention d’acquérir Twitter, Elon Musk avait déjà prévenu que les bots seraient un chantier auquel il comptait s’atteler sérieusement. Sur la plateforme, il avait assuré: “Si notre enchère réussit, nous vaincrons les bots qui envoient des spams ou mourrons en essayant”. Et d’ajouter: “Et nous authentifierons tous les vrais humains.”
Le patron de Tesla et SpaceX a rapidement remis en cause la part annoncée de 5% de bots sur la plateforme, estimant qu’il y en avait davantage. Ces accusations semblent cohérentes avec les révélations de Peiter Zatko. Cet ancien chef de la sécurité de l’entreprise a déposé une plainte en juillet contre Twitter dont le contenu a été dévoilé le 23 août par CNN et le Washington Post.
“Aucun appétit pour mesurer correctement” les faux comptes
Le hacker, plus connu sous le nom de “Mudge”, a été recruté par Twitter en 2020. Licencié en janvier 2022, il justifie son éviction par sa tentative d’alerter sur les problèmes de sécurité au sein de l’entreprise. Auparavant, il avait travaillé pour Google ou le département de la défense américain.
Dans sa plainte, Peiter Zatko évoque entre autres des failles importantes de sécurité et une fausse chasse aux bots au sein de l’entreprise. Il y explique notamment: “La haute direction n’avait aucun appétit pour mesurer correctement la prévalence des comptes bots.” Il ajoute que les dirigeants craignaient que des mesures précises du nombre de bots sur la plateforme nuisent à l’image et à la valorisation de Twitter, relate CNN.
“Pendant des années, à travers de nombreuses prises de parole publiques et documents déposés auprès de la SEC (le gendarme boursier américain, ndlr), Twitter a fait des déclarations inexactes et des omissions importantes… en matière de sécurité, de confidentialité et d’intégrité”, pointe Peiter Zatko. “Les fausses déclarations de Twitter ont un impact particulier, étant donné qu’elles sont directement en cause dans le rachat envisagé de l’entreprise par Elon Musk.”
Une remise en cause du projet de monétisation de Twitter
Mi-mai, Elon Musk avait suspendu son rachat de Twitter. L’objectif était de prendre le temps de s’assurer que les méthodes de calcul de l’entreprise soient exactes. Le milliardaire avait déjà en tête la monétisation du réseau social, principalement par la publicité. Selon lui, avoir plus de 5% de bots sur l’application remettrait en cause la rentabilité de son projet puisque les annonceurs ne tiennent compte que des publicités vues par de véritables internautes.
“L’équipe de direction, le conseil administratif, les actionnaires et les utilisateurs méritent tous une réponse honnête sur ce qu’ils consomment en termes de données, d’informations et de contenu sur la plateforme”, a déclaré Peiter Zatko dans une interview à CNN. “Toute votre perception du monde est faite à partir de ce que vous voyez, lisez et consommez en ligne. Et si vous n’avez pas une bonne compréhension de ce qui est réel ou de ce qui ne l’est pas… Oui, je pense que c’est plutôt effrayant.”
Attaqué par Twitter en justice, Elon Musk a contre-attaqué. Si l’entreprise cherche à imposer la finalisation de la vente, l’homme d’affaires estime avoir été trompé sur le nombre d’utilisateurs réels du réseau social. A partir du 17 octobre, le tribunal du Delaware devra examiner chacune des versions et statuer sur le bien fondé des accusations de chacun. Nul doute que l’examen du nombre de faux comptes sur Twitter sera l’un des points particulièrement scrutés du procès.