Depuis quelques années, une nouvelle discipline scientifique émerge, doucement. À l’interface entre l’archéologie et l’écologie, l’archéoécologie se pose comme le chaînon manquant permettant de mieux appréhender l’évolution de nos sociétés et des écosystèmes.
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Si l’archéologie s’intéresse aux sociétés humaines du passé et l’écologie à la compréhension du fonctionnement des écosystèmes, on assiste à l’émergence, depuis quelques années, d’une nouvelle discipline scientifique mêlant ces deux approches.
Car ces deux disciplines, désormais bien établies, négligent cependant une importante question à laquelle l’archéoécologie tente désormais de répondre : quelles ont été les interactions entre l’humanité et la nature au cours du temps et comment se sont-elles influencées l’une l’autre ? Des considérations essentielles pour mieux comprendre et appréhender notre société actuelle et les défis environnementaux qui y sont associés.
Faire le lien entre archéologie et écologie
Il suffit de se pencher sur l’évolution des écosystèmes au cours du temps pour se rendre vite compte qu’elle est en effet intimement associée à la présence de l’Homme. Si, bien sûr, on pense en premier lieu à l’impact de la pollution et à la perte de la biodiversité, l’effet des sociétés humaines sur la nature ne date pas d’hier. Que ce soit avec le développement de l’agriculture ou de l’élevage, l’empreinte de l’homme s’est très tôt fait sentir sur les écosystèmes, et inversement.
Comprendre ce lien au cours de l’évolution de l’humanité est ainsi essentiel pour appréhender le monde dans lequel nous vivons. Cependant, comme toute nouvelle discipline, l’archéoécologie a besoin d’être clairement définie. Cette thématique a ainsi fait l’objet d’un article dans la revue Trends in Ecology and Evolution. Si l’archéologie ou la paléobiologie peuvent s’intéresser à certaines relations homme-écosystème, ce n’est généralement que d’un point de vue très spécifique, en se focalisant sur une ou deux espèces. Pour les auteurs de l’étude, l’archéoécologie se veut plus généraliste sur ce type de question. L’idée est en effet de prendre en compte le contexte écologique global.
Étudier les interactions entre l’Homme et la nature au cours du temps
L’archéoécologie s’intéresse ainsi aux relations et interactions ayant eu lieu entre les sociétés humaines et les écosystèmes durant les 60.000 dernières années. Les questions auxquelles les scientifiques tentent de répondre dans le cadre de cette nouvelle discipline sont donc : comment les humains ont-ils impacté leur environnement naturel, mais également comment les écosystèmes dans lesquels ils vivent ont marqué la culture humaine et influencé sa dynamique. L’objectif de l’archéoécologie est donc de faire le lien entre ces deux disciplines, jusqu’à présent très séparées, que sont l’archéologie et l’écologie.
Pour traiter ces questions complexes et fondamentales, l’archéoécologie utilise bien sûr des outils et stratégies issues de l’archéologie, de l’écologie et de la paléoécologie. Avec le temps, cette nouvelle discipline scientifique développera très certainement ses propres outils, plus adaptés aux questions qui l’intéressent.
Dans le contexte actuel d’une crise climatique et biologique, l’apport de l’archéoécologie pourrait s’avérer majeur et pourrait apporter de nouveaux éléments permettant de comprendre les changements environnementaux et sociétaux qui sont en cours. Comme dans de nombreuses autres disciplines, l’étude du passé peut en effet se révéler judicieuse pour appréhender l’évolution des phénomènes actuels ou effectuer des mises en garde.
Dent de mammouth du Paléolithique Des fouilles menées sur le site d’Havrincourt, dans le Pas-de-Calais, ont mis au jour des traces de peuplement par l’Homme remontant à 50.000 et 30.000 ans, soit du Paléolithique moyen et supérieur, comme en témoigne la découverte de lames en silex. La disposition d’artefacts de ce genre permet aux archéologues d’étudier l’organisation territoriale des groupes humains ayant fréquenté le site (degré de planification et répartition spatiale des activités, récurrence d’occupation…). Les restes d’animaux permettent quant à eux de caractériser la faune qui vivait sur place à l’époque, et donc le type de milieu. Havrincourt hébergeait entre autres des restes de mammouth (dont l’extraction d’une dent est présentée sur la photographie), de bison, de rhinocéros laineux et de cheval. Ces espèces vivaient plus que probablement dans une steppe. © Denis Gliksman, Inrap
Traces des premiers Parisiens Des traces tenues des derniers chasseurs-cueilleurs, des pointes de flèches en silex, ont été retrouvées en plein Paris, au 62 de la rue Henry-Farman. Elles datent du Mésolithique, soit 8.200 à 7.500 ans avant notre ère. Aucune trace de trou de poteau, de calage ou de foyer n’a été trouvée, laissant ainsi penser que ce site n’a pas abrité d’habitation à l’époque. La faible densité des pièces trouvées plaide également en faveur d’occupations de courte durée (quelques jours tout au plus). Ce lieu devait servir de halte pour des groupes distincts de chasseurs. © Denis Gliksman, Inrap
La nécropole de Thonon-les-Bains Une nécropole datant du Ve et IVe millénaire avant notre ère, du Néolithique moyen, a été fouillée en 2004 à Thonon-les-Bains, en Haute-Savoie. Elle se compose de plus de 150 tombes. Certaines sont de simples fosses, mais d’autres sont de véritables cistes, c’est-à-dire des sépultures se présentant sous la forme de caissons ou de coffres. Les cistes de Thonon-les-Bains sont soit en bois, soit en pierre. Certaines d’entre elles sont tellement grandes qu’elles ont parfois été utilisées comme de véritables petits caveaux. © Loïc de Cargouët, Inrap
Menhirs brisés de Kerduellan à Belz Le champ de menhirs brisés de Kerduellan à Belz, dans le Morbihan, a été fouillé en 2004. Il s’agit d’une des plus grandes actions de fouille réalisées pour un mégalithe, c’est-à-dire un monument lié au mégalithisme et constitué d’une ou plusieurs pierres de grandes dimensions. Le site fait en effet 3.000 m² et abrite une soixantaine de monolithes. Chaque pierre a été scrupuleusement analysée en espérant trouver des traces d’extraction, de débitage, etc. riches en information. L’alignement des pierres a été conservé dans leur environnement sédimentaire d’origine, augmentant ainsi l’importance de la découverte. Des sédiments ont également protégé les pierres de toute érosion en les recouvrant sur une épaisseur de 60 à 80 cm. La fouille a démontré que l’abattage des menhirs est antérieur à la fin du Néolithique. Les blocs ont des dimensions similaires à celles des menhirs de Carnhac. © Hervé Paitier, Inrap
La dame de Villers-Carbonnel La dame de Villers-Carbonnel a été mise au jour en 2010 dans la Somme, sur le tracé du canal Seine-Nord Europe. Cette statuette de terre cuite, modelée voici 4.000 ans à partir d’une plaque d’argile rectangulaire, mesure 21 cm de haut. Peu de représentations féminines datant du Néolithique moyen ont été retrouvées en France, surtout dans un aussi bon état de conservation. © Dominique Bossut, Inrap
Tombe à char gauloise Au IXe siècle avant J.-C., donc à l’âge de fer, les aristocrates celtes d’un haut rang hiérarchique étaient enterrés dans une tombe à char, c’est-à-dire dans une sépulture contenant également un char de guerre ou d’apparat. Cette tombe a été découverte à Reims en 2001, dans la ZAC de la Neuvillette, en Champagne-Ardenne. Située au centre d’un enclos funéraire, elle se composait des restes de deux corps reposant à côté de céramiques et d’un dépôt d’armes. Une épée est d’ailleurs visible sur la photographie. © Loïc de Cargouët, Inrap
La cavalerie fantôme de Gondole Les oppidums correspondaient à des fortifications celtiques généralement placées en des lieux fournissant une protection naturelle, mais renforcée par des travaux collectifs (fossés, palissades, etc.). L’oppidum de Gondole se situe sur la commune de Cendre en Auvergne. Une fosse datée du Ier siècle avant notre ère a été découverte à son pied et fouillée en février 2002. Elle contenait huit squelettes de chevaux et autant de restes de cavaliers. Ils ont probablement été sacrifiés lors du décès de leur souverain. Cette découverte sans précédent a poussé les chercheurs à reconsidérer les pratiques funéraires de la fin de l’âge du Fer. © Ulysse Cabezuelo, Inrap
Les pièces gauloises de Laniscat Un véritable trésor enfoui environ 50 ans avant notre ère a été découvert en 2007 à Laniscat, en Côtes-d’Armor. Il se compose de 545 pièces de monnaie qui étaient cachées dans la demeure d’un riche gaulois d’Armorique vivant dans la cité des Osismes. Ces huit pièces sont en électrum, un alliage d’or et d’argent. Elles correspondent à des statères et des quarts de statères. Ce terme désigne un poids de métal dans les divers systèmes monétaires de l’époque antique. © Hervé Paitier, Inrap
Les poteries du Galo-Romain Pistillus De très nombreuses figurines en terre blanche ont été produites puis diffusées en Gaule romaine entre le Ier et le IIIe siècle. Plusieurs ateliers produisaient ces objets, mais certains avaient plus de renommée que d’autres. Pistillus était l’un des plus célèbres coroplathes de son époque, entre la fin du IIe et le début du IIIe siècle. Des traces de son officine ont été retrouvées lors de fouilles menées en 2010 dans les Faubourg d’Arroux à Autun en Bourgogne. Les archéologues ont mis au jour un four du potier, des moules, des figurines et des ratés de cuisson, tous signés de son nom. La statuette représente Vénus se pinçant un sein. Elle a été crée à partir d’un moule similaire à celui présenté à la droite de l’image. © Denis Gliksman, Inrap
Une mosaïque romaine en pleine rue Cette mosaïque a été découverte lors de fouilles menées en 2007 et 2008 au niveau de l’avenue Jean Jaurès à Nîmes, Nemausus à l’époque, dans le Gard. Elle est datée de la fin du IIe siècle ou du début du IIIe siècle de notre ère et représente l’histoire de Penthée, un roi de Thèbes qui s’opposa à l’introduction du culte dionysiaque dans son royaume. Ce thème mythologique était rarement abordé dans le monde gréco-romain. © Denis Gliksman, Inrap
Des tombes franques à Saint-Dizier Trois tombes franques ont été retrouvées à Saint-Dizier, en Haute-Marne, en 2002. Elles sont datées des années 525 à 550 de notre ère, donc du Moyen-Âge. Elles abritaient les restes de personnages appartenant probablement à l’élite de la société à l’époque. Des ferrures du cercueil en chêne sont visibles au pied de ce guerrier de haut rang, juste à côté d’une bouteille en verre, d’un bassin et d’un chaudron en bronze. On aperçoit les restes d’une Les restes d’une lance en haut et à droite de la photographie. Cet objet a probablement été déposé sur le couvercle de la chambre funéraire et s’est retrouvé à l’intérieur de l’excavation suite à un affaissement. Une quatrième tombe a été trouvée à proximité. Elle contenait le squelette d’un cheval de 8 ans tué alors qu’il était en bonne santé. Il s’agit sûrement de la monture d’un des guerriers. © Loïc de Cargouët, Inrap
Une pièce de l’ancêtre du backgammon Des restes relativement bien conservés d’un habitat aristocratique remontant de la fin du Xe siècle ou du début du XIe siècle ont été trouvés à Pineuhl en Gironde. Ils se composent de fragments d’olifants, des cornes d’appels utilisées durant la chasse, de divers éléments de vaisselles en bois, de nasses en saule ou encore d’un peigne en buis. Cette figurine agenouillée confirme la présence d’une élite dans cette maison. Elle appartiendrait à un jeu de trictrac, l’ancêtre du backgammon. © Laurent Petit, Inrap
Des dés remontant à Louis XIV Ces dés en os ont été trouvés lors de la fouille du fort Saint-Sébastien à Achères, dans les Yvelines. Il s’agissait d’un camp d’entraînement temporaire destiné à accueillir des troupes du roi Louis XIV. Elles s’y rendaient, durant la seconde moitié du XVIIe siècle, en vue de préparer la prise de la ville de Maastricht aux Pays-Bas. Le siège a eu lieu en 1673. Il dura treize jours, de 13 au 26 juin. Charles de Batz-Castelmore, comte d’Artagnan et capitaine de la compagnie des Mousquetaires, y trouva la mort. Cette découverte a été exceptionnelle à plus d’un titre. Ce fort représente un témoin privilégié de la poliocétique, l’art du siège. Or, ce sujet n’avait jamais été appréhendé par l’archéologie en France. © Michel Assezat, Inrap
Comme une bouteille à la mer Certaines découvertes sont surprenantes et pour le moins inattendues. Une bouteille de Champigneulles contenant une lettre a été trouvée à Messein (Moselle) en 2004, lors de fouilles sur un site mérovingien datant donc du Ve au VIIIe siècle. Le document, composé d’une enveloppe et de quatre feuillets, a été posté d’Oklahoma City le 15 juillet 1918. La lettre était adressée au sergent Liepman, engagé dans l’armée américaine le 25 juillet 1917. Arrivé au Havre en juin 1918, il a participé, avec la « 35th Division American expeditionary », aux batailles d’Argonne, de Saint-Mihiel, de Verdun et des Vosges. © Denis Gliksman, Inrap
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