Bodegraven-Reeuwijk traîne depuis deux ans une sombre histoire complotiste répandue par trois hommes désormais condamnés. Mais la rumeur continue d’être alimentée par les réseaux sociaux.
Le maire de Bodegraven-Reeuwijk n’en peut plus. Depuis 2020, il bataille avec une étrange rumeur qui a fait du cimetière de sa ville de 35.000 habitants aux Pays-Bas, un lieu de pèlerinage. L’affaire a pris une telle importance que la municipalité a décidé de poursuivre Twitter en justice pour que le réseau social efface désormais toute trace (passée ou future) de cette histoire.
Tout commence il y a deux ans lorsqu’un certain Joost Knevel, qui a grandi dans cette ville dans les années 1980, lance une rumeur autour d’un supposé réseau pédo-sataniste.
Avec deux autres théoriciens du complot, Micha Kat et Wouter Raatgever, le trio accuse le maire de la ville Christiaan van der Kam ainsi que le virologue Jaap van Dissel, directeur de l’Institut national de la santé publique devenu une – personnalité publique lors de la pandémie – de viols et assassinats sur des enfants.
“Le nettoyage n’est pas encore achevé”
Une rumeur absurde et totalement infondée, mais qui se répand sur les réseaux sociaux. Au point que certains visiteurs du cimetière de Bodegraven-Reeuwijk viennent encore déposer des fleurs en “hommage” aux enfants.
Les trois hommes ont depuis été arrêtés et condamnés par la justice néerlandaise mais la municipalité cherche désormais à faire table rase de cette histoire. Ils ont notamment été contraints de supprimer leurs messages (notamment sur Twitter) évoquant cette rumeur.
“Le nettoyage de Twitter n’est pas encore achevé”, a néanmoins déclaré l’avocat de Bodegraven-Reeuwijk qui réclame un filtre pour supprimer automatiquement tous les nouveaux messages qui apparaissent, selon lui, quotidiennement sur le réseau social. Il souhaite aussi que tous les tweets des journalistes, qui ont couvert l’affaire, soient supprimés.
Refus de Twitter
En clair, l’él de Bodegraven-Reeuwijk ne veut plus entendre parler de cette histoire. Sauf que Twitter n’a pas l’intention d’aller si loin, estimant que cela serait une atteinte trop importante à la liberté d’expression. D’autant que l’enjeu technique n’est pas simple car les complotistes savent depuis longtemps détourner les termes pour échapper aux algorithmes.
La modération des contenus des réseaux sociaux est un véritable serpent de mer qui mêle à la fois les différences culturelles entre les Etats-Unis et le reste du monde mais aussi des enjeux financiers et techniques pour assurer une modération efficace. Régulièrement critiqués, les grands groupes technologiques ont fait de nouveaux efforts ces dernières années, sans véritablement amoindrir les critiques.
En juillet 2021, Twitter, qui ne compte que 2000 modérateurs dans le monde, avait été condamné par le tribunal de Paris pour un défaut de modération de contenus haineux. Le jugement néerlandais de l’affaire Bodegraven-Reeuwijk sera, lui, rendu le 4 octobre.