Il y a environ 66 millions d’années, les dinosauresdinosaures s’éteignaient, ne laissant derrière eux qu’une maigre descendance. Seuls les oiseaux sont en effet aujourd’hui les héritiers de ces géants qui ont régné sur les continents et océans du globe durant plus de 180 millions d’années.
Cette extinction de masseextinction de masse est connue comme la crise biologique de la fin du Crétacé, ou crise Crétacé-Tertiaire. Ses causes exactes sont encore mal contraintes, même si on la présente généralement comme le résultat de la chute d’un important astéroïde, ou d’éruptions volcaniques massives au niveau de ce que l’on nomme aujourd’hui les Trapps du Deccan.
Deux catastrophes naturelles qui se seraient donc combinées pour mettre à bas l’ensemble des espècesespèces de dinosaures. Mais cette extinction s’est-elle produite brutalement, comme le laissent souvent penser les images de dévastation de l’astéroïde, ou s’est-elle étagée bien plus longuement dans le temps ?
Des dinosaures déjà mal en point bien avant la chute de l’astéroïde
Pour les chercheurs de l’Académie chinoise des Sciences, cela ne fait désormais plus de doute. C’est bien la deuxième option qui serait la plus réaliste. Les dinosaures auraient en effet subi un long déclin avant de s’éteindre définitivement.
Si les données paléontologiques montrent que, sur les derniers millions d’années marquant la fin du Crétacé, les dinosaures étaient encore bien présents sur l’ensemble du globe, on ne peut cependant pas dire qu’ils étaient en très bonne forme ! Il semblerait en effet que leur population n’était déjà plus très diversifiée, et cela bien avant la chute de l’astéroïdeastéroïde du ChicxulubChicxulub.
C’est ce que rapportent les chercheurs chinois dans un article publié dans la revue PNAS. Pour arriver à cette conclusion, ils ont étudié dans le détail plus de 1.000 fossilesfossiles d’œufs de dinosaures retrouvés dans le centre de la Chine, et datant des deux derniers millions d’années avant l’extinction totale des dinosaures. Alors que la région est bien connue pour son abondance en fossiles et le grand nombre d’espèces représentées, les chercheurs montrent que cette période (-68,2 à -66,4 millions d’années) a été marquée par un net déclin de la diversité des populations de dinosaures.
Pauvreté anormale des espèces bien avant l’extinction
Les œufs retrouvés ne sont en effet issus que de trois espèces différentes : Macroolithus yaotunensis, Elongatoolithus elongatus, et Stromatoolithus pinglingensis. Deux de ces espèces sont des oviraptors, des petits dinosaures sans dents et munis d’un becbec servant certainement à casser des coquillescoquilles d’œufs pour les manger. La troisième espèce est un herbivoreherbivore de la famille des Hadrosaures, affublé d’un bec de canard. À côté de ça, quelques rares ossements de tyrannosaurestyrannosaures et de sauropodessauropodes ont été retrouvés dans la région. Cette pauvreté anormale de la biodiversitébiodiversité des dinosaures durant les derniers millions d’années avant l’extinction totale a également été observée en Amérique du Nord et suggère que les dinosaures étaient déjà en voie d’extinction de manière globale durant la fin du Crétacé supérieur.
Les causes de ce long déclin sont encore mal connues. Parmi elles, une modification du climatclimat, peut-être en lien avec l’intense fragmentation continentale qui se joue à cette époque, une modification de la chaîne alimentairechaîne alimentaire avec le début de la domination des plantes à fleurs sur les conifères, ou simplement les conséquences d’une trop forte diversification des espèces. Il ne faut pas oublier le rôle certainement majeur des éruptions volcaniqueséruptions volcaniques des Trapps du Deccan durant cette période. Cet épisode volcanique d’ampleur phénoménale, actif dès -68 millions d’années, aurait entraîné des changements climatiqueschangements climatiques et environnementaux importants, déstabilisant les populations de dinosaures les plus adaptées à leur environnement et les plus sensibles aux modifications des écosystèmesécosystèmes.
L’astéroïde du Chicxulub, dont la chute est datée à 66 millions d’années, n’aurait été que la cerise sur le gâteau, finissant de ravager une population déjà à l’agonie depuis plusieurs millions d’années.
Les dinosaures. Dans l’imaginaire collectif, ils ont été les maîtres incontestés de notre TerreTerre. Jusqu’à ce qu’une météoritemétéorite vienne mettre un terme brutal à leur règne. Mais des chercheurs proposent aujourd’hui une nouvelle lecture du registre fossile. Ils présentent des dinosaures déjà sur le déclin avant la catastrophe. Mettant en cause, notamment, un changement climatique soudain. Fabien Condamine, chercheur CNRS à l’Institut des Sciences de l’Évolution de Montpellier, nous explique comment son équipe est arrivée à ces conclusions qui relancent le débat.
Article de Nathalie MayerNathalie Mayer publié le 4 juillet 2021/em>
Il y a 66 millions d’années, une météorite de plus de dix kilomètres de diamètre illuminait le ciel de notre Terre. Elle finissait sa course du côté de la péninsulepéninsule du Yucatan, au Mexique. Mettant un terme au règne des dinosaures. « Mauvais timing », commente pour nous Fabien Condamine, chercheur CNRS à l’Institut des Sciences de l’Évolution de Montpellier. « Car la collision se produit dans un monde sous pressionpression. Un monde qui connait des changements globaux de sa végétation, de son climat et du niveau de ses mers. Un monde dans lequel les dinosaures ne se portaient déjà pas au mieux. »
C’est en tout cas la conclusion de travaux qu’il vient de mener avec une équipe franco-anglo-canadienne. Une conclusion basée sur des faits. Des preuves directes tirées du registre fossile. Des preuves de la présence de certaines espèces à un moment donné, à un endroit donné. À partir desquelles les chercheurs ont ensuite procédé à des estimations du taux de formation ou du taux d’extinction des espèces. Grâce à une méthode sophistiquée de modélisationmodélisation statistique qui a permis de limiter les biais liés aux lacunes du registre. Cependant, « avec les connaissances qui continuent de s’accumuler, nous ne sommes pas à l’abri que des conclusions différentes tombent d’ici quelques années. C’est aussi ça, la science », nous fait remarquer Fabien Condamine.
Mais, en attendant, revenons à cette fameuse conclusion. Parce qu’elle a tout de même de quoi surprendre. Car jusqu’alors, il était assez communément admis que, vers la fin du Crétacé, les groupes de dinosaures étaient plutôt prospères. Qu’ils se diversifiaient et trouvaient des solutions pour remplir des niches différentes. Or, c’est tout l’inverse que les chercheurs suggèrent aujourd’hui.
Quelque 10 millions d’années avant la chute de la météorite qui a provoqué l’extinction des dinosaures, le taux d’apparition de nouvelles espèces (courbe bleue) a diminué et celui des extinctions (courbe rouge) a fortement augmenté. De quoi mener à une diminution rapide du nombre d’espèces de dinosaures (courbe noire) au cours de cette période. © Fabien Condamine, Isem, CNRS
« Nous avons identifié un pic de diversité chez les dinosaures — ou du moins, chez les six grandes familles visées par l’étude — au moins 10 millions d’années avant leur extinction. Entre ce pic et la chute de la météorite dans la péninsule du Yucatan, nous avons observé un déclin marqué de la diversité spécifique — comprenez, du nombre d’espèces, nous explique Fabien Condamine. Nous cherchions à éclairer la dynamique de diversification des dinosaures avant de comprendre quels facteurs ont pu l’influencer sur le long terme. Nous ne pensions pas à un déclin. Il nous est simplement apparu dans les données. »
Un phénomène d’extinction en cascade
Une fois donc ce déclin pris pour acquis — si tant est que la science puisse prendre quelque chose pour acquis à un tel stade… –, les chercheurs ont choisi d’adopter une approche intégrative incluant une dizaine de causes possibles. Parmi elles, des causes dites abiotiquesabiotiques, liées à l’environnement physiquephysique dans lequel évoluaient les dinosaures comme la température, le niveau des mers ou encore la fragmentation continentale. « Parce qu’à cette époque, notre Terre connaissait beaucoup de changements tectoniques. » Les chercheurs ont aussi exploré des causes dites biotiques. Ainsi, les changements observés au niveau de la végétation.
« C’est le moment où les plantes à fleurs ont pris le dessus sur les conifères », nous situe Fabien Condamine. Autre cause biotique possible, peut-être plus étonnante, la diversité intrinsèque des dinosaures. « La diversité propre à un groupe influe sur la diversification des espèces. On parle de diversité dépendance. Au fur et à mesure que le groupe se diversifie, il y a moins d’opportunités pour former une espèce parce que les principales niches sont remplies. Le groupe trouve moins de solutions pour remplir de nouvelles niches. Une sorte de compétition pour les ressources s’installe jusqu’à, pourquoi pas, mener à un déclin. »
Lorsque les plantes à fleurs ont pris le dessus sur les conifères, les dinosaures n’ont pas réussi à s’y adapter. Les chercheurs trouvent des corrélations négatives qui montrent que le changement a nui aux dinosaures sans pour autant l’être de manière significative. © Elenarts, fotolia
Finalement, les chercheurs ressortent de leurs travaux, deux causes qui influencent fortement le processus d’extinction des espècesextinction des espèces. Il y a d’abord la température globale qui décroît fortement sur la période. D’environ 7 °C. On aurait pu penser que les dinosaures, en animaux mésothermes qu’ils étaient, ne seraient que peu affectés. Mais, « nous observons que les dinosaures semblent finalement avoir dépendu substantiellement de la température de leur environnement », remarque Fabien Condamine.
Le saviez-vous ?
Les dinosaures étaient des animaux dits mésothermes. Comprenez, à mi-chemin entre les lézards, les tortues et les crocodiles qui dépendent des températures de l’environnement pour réaliser leurs activités biologiques, et nous, les mammifères et les oiseaux qui créons notre propre température corporelle.
Autre cause identifiée du déclin des dinosaures quelque 10 millions d’années avant leur extinction : un déclin de la diversité des dinosaures herbivores. « Ça a du sens écologiquement parlant. Les espèces de grands herbivores sont des espèces structurantes dont dépend l’équilibre d’un écosystème. Les Ankylausaures ou les Triceratops jouaient probablement un rôle énorme dans l’écosystème du Crétacé. Lorsque ces espèces ont commencé à décliner, peut-être à cause d’une sensibilité plus grande aux changements de températures, les autres herbivores ont suivi, puis les carnivorescarnivores. C’est un phénomène d’extinction en cascade qui semble apparaître dans les données. »
Le chercheur reste malgré tout prudent dans ces conclusions. Car lorsque l’on sépare herbivores et carnivores, « les données perdent de leur puissance statistique ». Pour confirmer tout cela, il faudra donc élargir les études à plus de dinosaures. « Nous n’avons travaillé que sur six familles. Les plus connues. Il faudrait intégrer des groupes de l’hémisphère Sud, mais les registres sont moins fournis. Il faudrait aussi s’intéresser aux Titanosaures — qui sont parmi les animaux les plus lourds ayant jamais foulé notre Terre. Ils pourraient bien nous raconter une histoire un peu différente. » Quoi qu’il en soit, le débat semble relancé…
Les dinosaures étaient-ils destinés à disparaître ?
Une estimation plus précise des taux d’apparition et de disparition des espèces de dinosaures des dizaines de millions d’années avant la crise Crétacé-Tertiaire révèle que ces fascinants animaux étaient en déclin. On peut spéculer sur le fait que, tôt ou tard, ils allaient fatalement laisser la place aux mammifèresmammifères.
Article de Laurent SaccoLaurent Sacco paru le 20/04/2016
Un squelette de T-Rex visible au Field Museum of Natural History, à Chicago, aux États-Unis. Le nombre d’espèces de dinosaures carnivores a diminué moins vite que celui des sauropodes pendant le Crétacé. © Terence Faircloth, Flickr, CC by-nc-nd 2.0
Pendant des décennies, les hypothèses allaient bon train à propos de la disparition d’un des groupes d’animaux ayant rencontré le plus de succès au cours de l’évolution du vivant : les dinosaures. Des plantes devenues toxiques aux mammifères dévorant leurs œufs en passant par des changements climatiques provoqués par des régressions marines, tout y est passé ou presque. Ce sont finalement les hypothèses des éruptions à l’origine des trapps du Deccan et l’impact d’un corps céleste à l’origine de l’astroblèmeastroblème de Chicxulub qui se sont s’imposées sur le devant de la scène au début des années quatre-vingt-dix.
Cependant, un article publié dans Pnas par un groupe de paléontologuespaléontologues vient de compliquer le tableau. Ils ont profité de l’accumulation des données découvertes dans les archives géologiques de la Terre et, grâce à des techniques sophistiquées d’analyse statistique, ils ont pu estimer le taux d’apparition de nouvelles espèces et celui de leur disparition pendant les 50 millions d’années précédant la fameuse crise Crétacé-Tertiaire, survenue il y a environ 66 millions d’années.
De façon surprenante, des signes de sénescencesénescence sont apparus car le bilan total montre une diminution constante de la diversité des espèces de dinosaures, plus marquée dans le cas des herbivores à long cou. Quelque chose était donc déjà en train de fragiliser ces animaux et de les détrôner de la biosphèrebiosphère, même si l’on ne sait pas encore quoi. Les éruptions basaltiquesbasaltiques et l’impact d’un corps céleste n’ont peut-être pu leur être fatal que parce qu’ils étaient déjà en déclin depuis des dizaines de millions d’années.