C’est une victoire pour les associations écologistes : le Conseil d’État a suspendu vendredi 21 octobre des autorisations de chasses traditionnelles à l’alouette accordées par le gouvernement.
Le juge des référés du Conseil d’État, saisi par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et One Voice, a estimé que les arrêtés pris par le gouvernement le 4 octobre risquaient de contrevenir au droit européen sur la protection des oiseaux et qu’il existait ainsi « un doute sérieux quant à leur légalité ».
Les textes autorisaient d’une part la capture de l’alouette « à l’aide de paires de filets horizontaux (“pantes”) » en Gironde, dans les Landes, le Lot-et-Garonne et les Pyrénées-Atlantiques, du 1er octobre au 20 novembre, avec des quotas allant jusqu’à 56 672 oiseaux dans les Landes. D’autres textes autorisaient la chasse à l’aide de cages pièges (« matoles ») dans les Landes et le Lot-et-Garonne du 1er octobre au 20 novembre, là aussi avec des quotas.
Pour la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), « le Conseil d’État inflige un énième camouflet à Emmanuel Macron qui s’obstine à vouloir autoriser ces pratiques moyenâgeuses et déjà jugées illégales sous la pression des chasseurs », a-t-elle réagi sur Twitter.
Au contraire, la Fédération nationale des chasseurs (FNC) s’est insurgée dans un communiqué contre cette suspension : « Cette ordonnance met une fois de plus en lumière l’incapacité du Conseil d’Etat à se défaire des mensonges d’une “écologie de salon” et à s’attaquer aux vraies causes du déclin de la biodiversité. » La FNC affirme avoir « entrepris un important travail de mise en conformité de ces chasses aux récentes décisions de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et du Conseil d’Etat lui-même ».
Décision sur le fond le 24 octobre
« Mon rêve serait que le ministère de la transition écologique se préoccupe des oiseaux en train de disparaître plutôt que d’offrir des loisirs aux chasseurs », a déclaré, de son côté, à l’Agence France-Presse (AFP) la présidente de One Voice, Murielle Arnal, remontée contre le ministre Christophe Béchu qui « avait dit qu’il attendrait la décision de nos recours de l’année dernière pour autoriser ou non ces chasses ».
En octobre 2021, les arrêtés autorisant les chasses traditionnelles à l’alouette et à d’autres oiseaux (grives, merles noirs, vanneaux, pluviers dorés) avaient déjà été suspendus pour des motifs semblables, via cette procédure d’urgence du référé. Mais la décision sur le fond de ces dossiers n’a pas encore été rendue. L’audience doit se tenir lundi devant le Conseil d’État.
Sans attendre, le gouvernement avait repris des décrets d’autorisations, uniquement cette fois pour l’alouette. « J’assume la décision qui a été prise », avait déclaré le ministre Béchu sur Franceinfo le 8 octobre, au lendemain de la publication des arrêtés, sans préciser qui était le décisionnaire.
Dans leurs réactions, les associations avaient directement mis en cause Emmanuel Macron, accusé d’avoir voulu faire un cadeau aux chasseurs, tandis que vendredi, le président de la FNC a tenu « à remercier le président de la République (…) d’avoir eu le courage de prendre ces arrêtés ».
Des méthodes non sélectives
Le débat se concentre sur la directive européenne « oiseaux » de 2009, qui interdit les techniques de capture massive sans distinction d’espèces. Une dérogation est possible « à condition d’être dûment motivée et dès lors “qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante” pour capturer certains oiseaux ».
Or, « le ministre n’a pas démontré que ces méthodes de chasse traditionnelles seraient les seules permettant de capturer des alouettes des champs dans ces départements », un résultat qui peut être obtenu « par la chasse au tir ou l’élevage », explique un communiqué du Conseil d’État. De plus, le juge « relève que les méthodes ainsi autorisées (…) ne peuvent pas être considérées comme sélectives », puisque « au moins 15 à 20 % d’autres espèces d’oiseaux sont en effet capturés par des matoles ».
« Le ministre n’apporte aucun chiffre pour les “pantes”, dont les filets peuvent mesurer jusqu’à 50 m2, avec des mailles ne permettant pas aux autres oiseaux de s’échapper », note encore le juge, au risque de « dommages non négligeables » sur des espèces protégées.
« Si les décisions contestées mettent en avant l’objectif de conserver une méthode de chasse dite “traditionnelle”, ce motif a été regardé par la CJUE comme n’étant pas suffisant », conclut le communiqué.