Sont-ils stupides, lucides, nécessaires, ces écologistes qui, depuis quelques jours, brutalisent gentiment des tableaux de Monet, Van Gogh, Vermeer ? Inversons la question et demandons-nous ce que font les musées, salles de spectacle ou festivals pour préserver la planète. La réponse oscille entre politique de l’autruche et jeu de dupes. Et pour cela aussi d’illustres artistes deviennent une cible.
Les lieux de culture, pressés par les circonstances, cherchent surtout à réduire leur facture énergétique. Adopter des ampoules LED, arrêter d’éclairer une façade, chauffer moins, fermer plus… Où l’on constate que ces phares de l’art, que l’on a voulus plus gros, plus grands, plus hauts, abusant du verre aussi, sont des passoires thermiques en hiver et des serres en été, au point de friser l’obsolescence.
Toujours est-il que la culture cherche plus à se sauver qu’à sauver la planète. « Prendre des mesurettes en urgence, ce n’est pas ça la sobriété ! », s’agace Samuel Valensi, qui a participé au rapport du think tank The Shift Projet « Décarbonons la culture ! », publié en 2021, et qui est aussi l’auteur, avec David Irle et Anaïs Rœsch, du livre Décarboner la culture (PUG UGA, 2021).
« Faire circuler les œuvres »
Ce qui agace ces spécialistes, c’est que le débat énergétique masque le premier pollueur et de loin, devant les bâtiments : le public. Celui du Louvre, formé en majorité de touristes prenant l’avion, est à 99 % responsable des émissions de gaz à effet de serre du musée (chiffres de 2009). Dans son rapport « The Art of Zero » (2021), le think tank britannique Julie’s Bicycle estime que, pour les arts visuels au niveau mondial, 74 % des émissions viennent des déplacements des visiteurs.
Pour la culture, ce sont bien les transports – du public, des artistes, des œuvres – qui font du mal à la planète. C’est largement vérifié pour les gros festivals, où les foules monstres accourent en voiture. Mais aussi pour les foires ou biennales d’art. Pour les châteaux prestigieux. Et même, dans une moindre mesure, pour une partie des lieux de spectacle en région, où l’automobile est nécessaire. Mais, pour prendre la mesure des dégâts, encore faudrait-il connaître l’empreinte carbone (un indicateur parmi d’autres) de chaque établissement culturel.
Peu ont fait ce travail. Sans doute pressentent-ils un résultat désastreux et sans solutions. Surtout, ils pensent que le public n’a pas à entrer dans le calcul de leur empreinte. Un visiteur chinois au Louvre se rend dans d’autres sites à Paris, au Mont-Saint-Michel, à Chambord, voire dans un autre pays. « La nocivité » du public serait d’abord le problème de l’Etat. Pas question de porter ce chapeau.
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