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« Les 10 % les plus aisés émettent cinq fois plus de carbone que la moitié la plus pauvre des Français »


Les 1 % les plus riches émettent autant de gaz à effet de serre que les 50 % les plus pauvres de la planète… Tirée du dernier « Rapport sur les inégalités mondiales », un travail coordonné par un groupe d’économistes menés par Thomas Piketty, cette donnée conduit à s’interroger sur le ciblage de la transition, afin qu’elle ne génère pas plus d’inégalités qu’il n’en existe déjà et que les efforts portent bien sur ceux qui ont le plus mauvais bilan carbone. Lucas Chancel, un des auteurs de ce rapport, plaide pour que la lutte contre le changement climatique soit pensée pour faire diminuer massivement les inégalités, au niveau mondial comme en France.

Vous estimez aberrant de tenter de résoudre le problème du changement climatique sans s’attaquer en même temps à la question des inégalités. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Tout le monde a envie d’une planète désirable et est prêt à faire des efforts pour préserver l’habitabilité de la Terre pour laisser à ses enfants ou petits-enfants un monde dans lequel ils puissent respirer. Les efforts à faire pour y parvenir ne représentent pas la même chose pour tout le monde. Une personne qui a peu de revenus, peu d’épargne, peu d’alternatives à l’utilisation régulière de sa voiture n’abordera pas ce débat sur la transition de la même manière que celui qui dispose d’une bonne épargne personnelle, peut s’acheter un véhicule électrique et rénover sa maison. Ce dernier pourra facilement acheter plus cher des produits bio qui nécessitent moins de CO2 pour leur production, utilisent moins de pesticides, mais vont coûter deux fois ou trois fois plus cher. Il y a un enjeu de justice sociale et un enjeu de répartition de l’effort. Et je pense que pour discuter ces questions, il est important d’avoir à l’esprit que tous les Français n’ont pas le même niveau d’émissions de carbone. Or, c’est bien là qu’est le point de départ à partir duquel des efforts sont requis pour parvenir, en 2050, à zéro carbone. Parce que l’objectif final est bien que tout le monde soit descendu à zéro tonne de carbone en 2050. Et le débat politique doit permettre de décider du chemin à prendre pour y parvenir.

Lire la chronique de Thomas Piketty : Article réservé à nos abonnés « La planète va devoir prendre en compte les multiples fractures inégalitaires qui la traversent »

Les riches émettent plus que les pauvres, certes… Mais comment cela se traduit-il, concrètement ?

Pour donner un ordre de grandeur, un aller-retour Paris-New York correspond à une émission moyenne de 1,5 tonne de carbone. Or, en moyenne, un Français émet 9 tonnes de carbone par an, en prenant en compte les émissions dites importées, c’est-à-dire celles qui ont été faites en Chine pour produire les biens que nous consommons ici, en France. Donc, ces 9 tonnes ne s’arrêtent pas à l’essence qu’on met dans sa voiture ou au gaz qu’il y a derrière l’électricité qui va servir à allumer nos téléviseurs ; elles comptabilisent aussi le pétrole ou le charbon utilisé dans la fabrication du téléviseur.

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Written by Stephanie

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