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Une étude d’envergure menée aux Émirats arabes unis révèle une association forte entre la prise de statines et la survie des patients atteints d’un cancer du sang rare. Ces résultats relancent l’intérêt pour les effets anticancéreux potentiels de ces médicaments initialement conçus pour le cœur.
Table des matières
- Les statines : un médicament omniprésent
- Une étude observationnelle sur 1 467 patients
- Résultats : un risque de décès réduit de 61 %
- Qu’est-ce que le CLL/SLL ?
- Limites et précautions
- Perspectives cliniques et recherches futures
- Sources et références
Les statines : un médicament omniprésent
Depuis leur autorisation en 1987, les statines — médicaments hypocholestérolémiants — sont devenues les médicaments les plus prescrits dans de nombreux pays occidentaux. Au Royaume-Uni, plus de 70 millions de boîtes sont délivrées chaque année. Leur rôle initial : réduire le taux de cholestérol LDL (« mauvais cholestérol ») afin de prévenir les maladies cardiovasculaires.
Mais depuis quelques années, la communauté scientifique s’interroge sur leur effet potentiel contre certaines formes de cancer. Des travaux antérieurs ont évoqué une diminution de l’incidence ou de la progression de cancers tels que ceux du sein, du foie, de l’estomac ou du côlon.

Une étude observationnelle sur 1 467 patients
Publiée dans la revue Blood Advances, l’étude a été menée par des chercheurs de l’Université de Sharjah, aux Émirats arabes unis. Elle s’est concentrée sur 1 467 patients âgés en moyenne de 65 ans, atteints de leucémie lymphoïde chronique (CLL) ou de lymphome lymphocytaire de petite taille (SLL), deux formes de cancer du sang étroitement liées.
Les participants ont été répartis en trois groupes selon leur traitement initial, incluant ou non l’ibrutinib — un médicament anticancéreux ciblé. Près d’un tiers des patients prenaient déjà des statines au moment du début du traitement.
Résultats : un risque de décès réduit de 61 %
Après un suivi d’environ cinq ans, les chercheurs ont observé que les patients sous statines avaient un risque de décès par cancer réduit de 61 % par rapport aux patients n’en prenant pas. D’autres bénéfices ont été notés :
- 38 % de réduction de la mortalité toutes causes confondues ;
- 26 % de réduction du risque de progression de la maladie.
Pour le Dr Ahmad Abuhelwa, pharmacologue et auteur principal de l’étude, « nos résultats soulignent un lien fort entre l’usage des statines et l’amélioration de la survie. Même s’il est encore trop tôt pour en tirer une conclusion causale, cette corrélation mérite d’être explorée cliniquement ».
Qu’est-ce que la leucémie lymphoïde chronique (CLL) ?
Le CLL/SLL est un cancer du sang lentement évolutif, touchant principalement les globules blancs. Il fragilise le système immunitaire et est rarement guéri complètement. Les patients vivent souvent avec la maladie de manière chronique, alternant phases stables et traitements agressifs.
Environ 4 500 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année au Royaume-Uni, soit plus de 12 par jour. La maladie touche deux fois plus d’hommes que de femmes. Le taux de survie à 5 ans dépasse 80 %, mais le risque de récidive reste élevé.
Limites et précautions méthodologiques
L’étude reste de nature observationnelle et ne permet donc pas d’établir un lien de causalité directe entre les statines et la réduction de la mortalité par cancer.
De plus, les chercheurs reconnaissent que le dosage, le type de statine utilisé et la durée de traitement variaient d’un patient à l’autre, ce qui constitue une limite significative. « Le type de statine, sa posologie exacte, ou sa durée d’usage n’ont pas été systématiquement enregistrés », précisent les auteurs.
Perspectives cliniques et futures recherches
Malgré les réserves, cette étude ouvre la voie à des essais cliniques rigoureux visant à déterminer si les statines pourraient constituer un adjuvant thérapeutique dans le traitement des cancers hématologiques.
Selon Dr Abuhelwa : « Bien que nos résultats soient très prometteurs, il est encore prématuré de recommander l’usage de statines spécifiquement pour les patients atteints de CLL ou SLL. Des essais randomisés sont indispensables ».
Ce type d’approche s’inscrit dans un mouvement plus large de repositionnement thérapeutique, visant à redécouvrir l’utilité de médicaments anciens pour de nouvelles indications cliniques.
Sources et références
- Blood Advances – Journal officiel de l’American Society of Hematology
- Lymphoma Action – Ressource britannique sur les lymphomes