in

du matérialisme à l’idéalisme prophétique »

[ad_1]

Pour les chercheurs de ma génération, historiens ou sociologues enquêtant sur les sciences et les techniques, la lecture de Bruno Latour fut un déclic. La Vie de laboratoire (Sage, 1979 ; La Découverte, 1988) et Pasteur : guerre et paix des microbes (Editions Métailié, 1984) proposaient une description extraordinairement rafraîchissante du travail scientifique. Loin des abstractions épistémologiques – pensons à l’œuvre de Karl Popper (1902-1994) toute centrée sur les théories –, l’originalité de Latour fut d’étudier non pas la « science » mais les pratiques scientifiques, non pas le produit fini, mais le travail de la preuve, non pas quelques grands savants, mais la communauté scientifique et ses institutions, et d’utiliser pour cela la méthode ethnographique : décrire et décrire encore, toujours plus finement, les gestes, le travail instrumental, la patiente stabilisation des phénomènes, leur inscription dans des traces matérielles et la transposition de ce travail dans la forme particulière de l’article scientifique.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Bruno Latour, penseur du « nouveau régime climatique », est mort

Bruno Latour fut aussi un formidable vulgarisateur : La Science en action (La Découverte, 1989) reste une synthèse inégalée des travaux en histoire et en sociologie des sciences et des techniques, un domaine dont Latour fut l’une des figures tutélaires. C’est ce Latour, ethnographe des sciences et des techniques, qui est devenu la « star » internationale que l’on connaît. Ce premier Latour était aussi radicalement empirique et matérialiste. Ses positions étaient proches de celles des historiens marxistes des sciences, en particulier de Simon Schaffer et de Steven Shapin : Nous n’avons jamais été modernes (La Découverte, 1991) se présentait comme une exégèse de leur Leviathan et la pompe à air (Princeton University Press, 1985).

Le choix de l’idéalisme

Le paradoxe est que, dans la deuxième partie de sa carrière, celle d’intellectuel public de l’écologie, Latour a soudainement abandonné cette méthode. S’intéressant tardivement à la question climatique et environnementale, il l’a abordée en tant que philosophe et historien des idées. Politiques de la nature (La Découverte, 1999) partait du constat – historiquement faux – que, la question environnementale étant radicalement nouvelle, il fallait entièrement refonder le politique. A la suite de Michel Serres et de son Contrat naturel (François Bourin, 1990), Latour composa donc une nouvelle « Constitution » pour accueillir les « non-humains » dans nos « collectifs ».

En France, dans les années 1990, l’écologie semblait offrir un terrain de jeu pour les Rousseau en herbe, une table rase philosophique, un bon prétexte aussi pour se débarrasser des « vielles sciences sociales » qui auraient négligé l’environnement. Cela était intellectuellement très excitant, bien plus sans doute que l’étude de la production et de ses conséquences. Le résultat était aussi abstrait et quelque peu utopique : nulle part il n’était question de matière et de production, de consommation et d’économie, d’entreprises et de machines, de capital ou de lobbys.

Il vous reste 29.6% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

[ad_2]

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

La Poste, Dassault Systèmes et Bouygues Telecom s’allient pour un cloud “100% français”

La baleine à bec échouée à Sept-Îles fera l’objet d’une nécropsie