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dans le hameau de Beauduc, le paradis prend l’eau


Le paradis se trouve au bout d’une longue piste défoncée où les nids-de-poule ont des airs de trous d’obus. A gauche, une immensité blanche et brillante, qui fait penser au Grand Lac Salé, dans l’Utah, aux Etats-Unis ; à droite, de minces étendues d’eaux roses et rouges que survolent les flamants. Au cœur de ce paysage époustouflant se trouve un lieu-dit auquel seuls les initiés ont accès, qu’aucune signalisation ne renseigne, qu’aucun car de touristes ne pourra jamais approcher.

Un lieu que l’on retrouve sur les cartes de la Camargue depuis le milieu du XVIIIe siècle : Beauduc, sur le territoire d’Arles, dans les Bouches-du-Rhône. Face à la plage de sable fin campent des habitués dans leur caravane et, sous des tentes, malgré un vent à décorner les taureaux, des adeptes de kitesurf venus de toute l’Europe. Un panneau sens interdit barre le chemin d’accès au village : soixante-dix-sept cabanons, de l’abri de bric et de broc à la jolie petite maison de bois, et même une villa digne d’un magazine de décoration.

La plupart des habitations sont regroupées pour former un grand cercle avec, en son centre, la place centrale. Devant, la mer à perte de vue. Pas de commerce, de rue, de panneau publicitaire ou d’éclairage urbain. Ni goudron ni eau courante, pas d’égouts ou de Wi-Fi, à peine une barre de réseau sur le téléphone portable, quand la chance s’en mêle. L’électricité provient de panneaux solaires et d’éoliennes individuelles. L’eau de pluie est collectée dans des citernes, tout comme les eaux usées, les déchets ramassés, le moindre bout de bois ou de tôle récupéré pour bricoler.

Le premier magasin se trouve à quarante-cinq minutes de route. Un modèle d’écologie et de sobriété. En plaisantant, certains nomment ceux qui vivent ici des Homo sapiens beauducus. Aujourd’hui, cette espèce se sait menacée de disparition.

Des cabanes dominent la digue empierrée par les habitants, à Beauduc, en Camargue, en juin 2022.

Comme tant d’autres lieux en bord de mer, le village voit son avenir écrit en pointillé. Partout, les plages s’érodent à cause de l’urbanisme et des prélèvements de sable qui aggravent un épuisement naturel des stocks sédimentaires, tandis que le niveau de l’eau, sous l’effet du réchauffement climatique, monte inexorablement. La ville voisine des Saintes-Maries-de-la-Mer est déjà en grand danger, tout comme celle d’Aigues-Mortes dans le Gard, ou Les Sables-d’Olonne (Vendée), la presqu’île du cap Ferret et de nombreuses autres stations balnéaires françaises de la côte atlantique.

« Je sais que la mer monte partout et que ça va être une catastrophe, confie un maire du coin, qui tient à rester anonyme, mais je ne serai pas celui qui l’annoncera à ses administrés. » A Beauduc, ce hameau qui tient du confetti, plus aucun habitant n’ignore le drame qui guette.

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Written by Stephanie

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