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Le satellite Microscope a repoussé les limites d’un test de la relativité générale d’Einstein



Futura vous avait déjà parlé dans les deux précédents articles ci-dessous – à consulter de nouveau pour des explications plus développées – de la mission MicroscopeMicroscope (MICROSatellite à traînée Compensée pour l’Observation du Principe d’Équivalence) lancée en 2016, un siècle après la publication par Einstein de sa théorie relativiste de la gravitation. On avait donc expliqué que ce satellite dans l’espace visait à tester le principe d’équivalence entre inertie et gravitation, pilier fondamental de la relativité généralerelativité générale, postulant que tous les corps tombent de la même manière dans le vide, comme l’explique un communiqué de l’Institut des hautes études scientifiques, l’équivalent français de celui de Princeton où travaillait EinsteinEinstein à la fin de sa vie.

Toujours comme l’explique ce communiqué, on sait depuis un moment déjà que la violation du principe d’équivalence est prédite par certaines théories d’unification entre la gravitation et la physique quantique. Cela suffisait déjà à motiver de tester avec autant de précision que possible le principe d’équivalence. Thibault DamourThibault Damour, professeur permanent à l’IHES et l’un des plus grands experts mondiaux de la gravitation, avait d’ailleurs fait des prédictions en ce sens avec des collègues et ce n’est donc pas étonnant qu’il soit devenu membre du Microscope Science Working Group dont, en fait, il a été l’un des initiateurs.

Conférence donnée le lundi 2 décembre 2019 à l’occasion du Grand Prix Servant* 2019 de l’Académie des sciences décerné aux co-investigateurs et chefs de projet de la mission Microscope. © Institut des hautes études scientifiques (IHÉS)

Une précision améliorée

Les derniers résultats des mesures de Microscope viennent de tomber et on peut trouver quelques commentaires à leur sujet par le physicienphysicien Philippe Brax, dont Futura est redevable de deux dossiers, l’un sur la cosmologie et l’autre sur l’énergie noire.

Par rapport aux résultats fournis par Microscope il y a presque cinq ans, la précision s’est améliorée d’environ un ordre de grandeur, c’est-à-dire d’un facteur 10 puisqu’on aurait pu mettre en évidence un écart entre les mesures et les prédictions concernant le principe d’équivalence de 10-15 .

Cela revient à pouvoir mesurer une différence prévue concernant la massemasse d’un supertanker et sa valeur réelle à la précision de la masse d’un moustiquemoustique.

Hélas, pas de nouvelle physiquephysique donc mais on dispose tout de même d’une nouvelle contrainte sur ce que cette nouvelle physique pourrait être. Par contre, on ne devrait pas pouvoir repousser encore la précision des mesures concernant le principe d’équivalence dans un avenir proche.

 


Satellite Microscope : le principe d’équivalence d’Einstein a résisté au test

Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 5/12/2017

La mission Microscope a pour but de tester le principe d’équivalence d’Einstein dans l’espace. L’enjeu est énorme : si ce dernier était violé, cela ouvrirait une fenêtrefenêtre sur une nouvelle physique et nous permettrait peut-être, notamment, de percer les secrets de la matière noirematière noire et de l’énergie noireénergie noire. Mais, pour l’heure, le principe d’équivalence d’Einstein résiste au test…

L’historienhistorien des sciences et physicien Gerald Holton, connu pour son livre L’Imagination scientifique, a rapporté, dans un de ses ouvrages, cette déclaration d’Einstein : « Le plus beau sort d’une théorie physique est de montrer la voie vers l’établissement d’une théorie plus inclusive, dans laquelle elle vit comme un cas limite ». Ainsi, il y a un peu plus de cent ans, la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein détrônait la théorie de la gravitation de NewtonNewton.

De la même manière, la mission Microscope (Microsatellite à traînée compensée pour l’observation du principe d’équivalence), du CnesCnes, cherche aujourd’hui à faire subir le même sort à la théorie d’Einstein en détectant une violation de son principe d’équivalence.

En effet, observer cette violation pourrait constituer une révolution nous ouvrant une fenêtre sur une nouvelle physique. Cette dernière nous donnerait peut-être alors une des clés pour construire une théorie quantique de la gravitation et, également peut-être, nous permettrait de percer les secrets de la matière noire et de l’énergie noire en cosmologie. Or, ce lundi 4 décembre 2017, le Cnes a présenté officiellement les premiers résultats de la mission Microscope : le principe d’équivalence d’Einstein a résisté au test… pour l’instant.

Une mission pour dépasser et mieux comprendre le modèle standard

La mission Microscope est développée et menée par l’Onera et les équipes de Géoazur (CNRS, OCA, université Côte d’Azur, IRDIRD) avec la contribution du Cnes et du Zentrums für Angewandte Raumfahrttechnologie und Mikrogravitation (Zarm). Futura vous l’avait déjà présentée dans un entretien que nous avait accordé Pierre Touboul, chercheur à l’Onera et principal investigateur de cette mission (voir l’article ci-dessous).

Le but est le suivant : tester l’une des hypothèses ayant servi à Einstein pour découvrir et construire sa théorie relativiste de la gravitation, la relativité générale, dont on a fêté le centenaire à la fin de l’année 2015. En l’occurrence, l’objectif était de repousser — d’un ordre de grandeur (un facteur 10), dans un premier temps, puis de deux (un facteur 100) — la précision d’une mesure portant sur la validité du célèbre principe d’équivalence. Le physicien Aurélien BarrauAurélien Barrau a commenté l’intérêt de cette mesure dans un article sur son blog mis à sa disposition par Futura.

Comme l’explique la vidéo du Cnes ci-dessus, ce principe d’équivalence était déjà connu de GaliléeGalilée et il stipule simplement que des corps tombent dans le champ de gravitation de la même façon, quelles que soient leurs masses et leurs compositions. Toutefois, certaines des théories proposées pour prolonger le modèle standardmodèle standard de la physique des particules et tenter de mieux comprendre l’origine de ses paramètres libres (dont les valeurs ne s’expliquent pas dans le cadre de ce modèle, comme les masses des quarks et des leptons ou la valeur de la charge électrique), et même pour unifier la force de gravitation avec ces prolongements pour construire une théorie de tous les champs de matière et de forces connues dans l’universunivers observable aujourd’hui, prédisent qualitativement, et parfois de façon générique, une violation de ce principe d’équivalence.

Il n’existe pas encore de prédictions robustes et précises de l’ampleur de la violation du principe d’équivalence, si ce n’est que celle-ci doit être très faible, en tout cas pour avoir échappé jusqu’ici à toute détection. Les scientifiques en sont donc réduits à repousser patiemment et méthodiquement les frontières d’un territoire connu en espérant tomber un jour sur un hypothétique trésor dont l’existence leur apparaît crédible.

Une présentation détaillée de la mission Microscope, avec plusieurs de ses acteurs, aussi bien d’un point de vue expérimental que théorique. © Laurence Honnorat

Une moisson de données pas encore analysée

Avant le début de la prise de données par Microscope en décembre 2016, après sept mois de tests des instruments en orbiteorbite, la précision atteinte durant les tests de violation du principe d’équivalence était de l’ordre de 10-13 en valeur relative, c’est-à-dire en ce qui concerne des différences d’accélération en chute libre pour deux corps différents. Seulement 10 % des données accumulées ont été analysées à ce jour, mais elles ont déjà permis d’atteindre une précision de l’ordre de 10-14, hélas sans mettre encore en évidence la nouvelle physique recherchée.

Ce résultat n’est nullement décourageant, car non seulement il reste encore des données à analyser, mais une plus grande quantité va être collectée car la mission se poursuit jusqu’au printemps 2018. Ainsi, tout s’annonce pour le mieux en ce qui concerne l’objectif final : atteindre une précision de l’ordre de 10-15, ce qui revient à déceler une différence de l’ordre de la masse d’une mouche entre deux superpétroliers de 500.000 tonnes (il serait possible d’atteindre une précision de 10-18, notamment avec le concept de la mission Step, mais il n’y a pour le moment aucune nouvelle expérience réellement en cours de réalisation en ce sens).

Même l’absence d’une violation du principe d’équivalence à ce niveau de précision serait riche en enseignements car elle poserait des contraintes sur des théories allant au-delà de la physique actuelle, comme celles développées par Thibault Damour et Pierre Fayet, deux sommités françaises mondialement connues pour leurs travaux, respectivement sur la physique des ondes gravitationnelles et sur les théories de la supersymétrie, et qui sont tous les deux potentiellement nobélisables (ces théories reposent sur celles des supercordes et celles des bosonsbosons U, ces dernières étant intimement liées à celle des photons noirs).


Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 22/10/2011

Alors que des neutrinosneutrinos apparemment supraluminiques semblent remettre en cause la théorie de la relativité d’Albert Einstein, la mission spatiale Microscope, qui doit tester le principe d’équivalence, est très attendue. Prévue pour un lancement vers 2015, elle joue son avenir ces prochaines semaines car le Cnes doit statuer sur son sort. Pierre Touboul, chercheur à l’Onera et principal investigateur de Microscope, nous explique l’importance de cette mission.

Dans un entretien accordé à Futura-Sciences, Pierre Touboul, chercheur à l’Onera et principal investigateur de la mission Microscope (Microsatellite à traînée compensée pour l’observation du principe d’équivalence), revient sur le rôle et la responsabilité de l’Onera dans cette mission dont l’objectif est de « confirmer ou d’invalider le principe d’équivalence, constaté par Galilée, puis par Newton, et à la base de la théorie de la relativité générale d’Einstein ». Par le développement d’accéléromètresaccéléromètres spatiaux, qui « permettent de mesurer des accélérations extrêmement faibles », l’Onera a la responsabilité du développement de la charge utile et doit s’assurer que le retour scientifique sera bien celui vendu au moment de la décision de lancer le programme.

Le principe d’équivalence est à la « base de notre conception de la gravitation. Ainsi tous les corps acquièrent la même accélération dans un champ de gravitation, indépendamment de leur masse et de leur composition interne » nous explique Pierre Touboul. L’enjeu de sa vérification est énorme : « s’il était violé, cela pourrait signifier qu’il existe une interaction qui nous est inconnue, ouvrant alors la voie à une nouvelle physique, une théorie plus englobante que la relativité générale ». Aujourd’hui, les chercheurs sont parvenus à obtenir des mesures d’une précision de l’ordre de 10-12, voire 10-13. Mais pour aller au-delà, et atteindre une précision d’au moins 10-15, il faut se « libérer des contraintes qu’entraînent les expériences menées au sol en testant ce principe d’équivalence dans l’espace ».

C’est en 2004 que le Cnes lance le projet Microscope et confie à l’Onera, alors en pointe dans l’accélérométrie spatiale, le développement d’un tel instrument, « mille fois plus précis qu’auparavant » pour mesurer dans l’espace ce principe d’équivalence, voire de détecter la « différence qu’envisagent certains théoriciens ». L’idée est d’en développer un avec les « mêmes technologies qui nous ont permis de construire les accéléromètres pour les missions Champ du DLRDLR, Grace de la NasaNasa ou Goce de l’Esa » tout en prenant en compte la spécificité de la mission.

S’il s’agit du même concept que les instruments réalisés pour GoceGoce, il y a « néanmoins une configuration très spécifique pour la mission Microscope qu’il a fallu développer ». Cette spécificité s’explique par le test du principe d’équivalence en orbite que l’on « souhaite faire avec la chute de deux masses d’épreuve de compositions différentes qui sont concentriques de façon à ce qu’elles soient soumises au même champ de gravité ».

Les deux masses prennent la forme de deux cylindres concentriques. L’une sera réalisée en alliagealliage de titanetitane et l’autre en alliage de platineplatine. Si le principe d’équivalence est vrai, ces deux suivront la même chute libre (une orbite est la trajectoire d’une chute libre) et resteront immobiles l’une par rapport à l’autre.

L’instrument de Microscope reprend le « même concept de la lévitation électrostatiqueélectrostatique d’une masse d’épreuve sans contact », c’est-à-dire que chaque masse d’épreuve est entourée d’électrodesélectrodes sur lesquelles sont appliquées des tensions électriques. « Les champs électriqueschamps électriques qui l’entourent sont contrôlés de façon à créer des pressionspressions électrostatiques sur la masse afin de limiter ses déplacements par rapport à la structure de l’instrument à des niveaux quasi nuls, subatomiques. C’est la mesure de ces forces appliquées qui permet de mesurer les accélérations extrêmement faibles subies par les masses d’épreuve. » Cet instrument sera installé sur une plateforme Myriade du Cnes avec comme contrainte que « la charge utile soit de masse inférieure à 35 kilogrammeskilogrammes et d’une puissance n’excédant pas 40 watts ».

En attente du feu vert du Cnes

Le Cnes doit prendre une décision avant la fin de l’année sur la poursuite de cette mission. Malgré des surcoûts et un retard pris dans la mise au point du satellite, la mission est prête à être réalisée en vue d’un lancement dès 2015 qui pourrait s’effectuer en 2015 ou 2016 par le futur petit lanceur Véga ou en tant que passager secondaire par un lanceur Soyouz ST depuis la Guyane. Il sera lancé à une altitude d’environ 820 kilomètres sur une orbite héliosynchronehéliosynchrone, quasi polaire pour une duréedurée d’au moins un an.

Les surcoûts de la mission sont en grande partie exogènesexogènes à la mission elle-même, « liés au choix du lanceur et à la nécessité de désorbitation du satellite en moins de 25 ans pour réduire les débris dans l’espace ». Quant au retard pris dans le développement du satellite, il s’explique par le choix du Cnes de remplacer les propulseurspropulseurs électriques initialement prévus, qui « ne sont pas technologiquement prêts », par des propulseurs à gazgaz froids, actuellement développés pour la mission Gaia de l’ESAESA et qui permettront des « poussées de l’ordre du micronewton dont le satellite aura besoin ».

 

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Written by Stephanie

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