Des citoyens de Rouyn-Noranda ont accueilli froidement le plan de réduction de la Fonderie Horne qui s’étalera sur cinq ans, et ce, afin d’atteindre la cible de 15 nanogrammes d’arsenic par mètre cube.
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«Ça ne tient pas compte de la santé de la population, c’est vraiment trop long, il y a des gens vulnérables dans le quartier qui seraient surexposés à l’arsenic sur 5 ans. Ça pas de bon sens», a tonné Nicole Desgagnés du comité ARET, une organisation qui milite pour une baisse importante des émissions toxiques de l’usine.
Selon elle, la Santé publique exigeait que la Fonderie, propriété de la multinationale Glencore, atteigne ce seuil beaucoup plus vite.
«L’INSPQ a dit que ça doit se faire très rapidement à 15 nanogrammes, c’est la seule façon de protéger les gens», a-t-elle indiqué.
L’entreprise n’a toujours pas de plan afin d’atteindre la norme québécoise de 3 ng/m3, ce qui était demandé par plusieurs intervenants sur le terrain et citoyens du quartier Notre-Dame qui borde l’usine.
«Ils essaient de nous passer que lorsqu’ils seront rendus à 15 nanogrammes, ça sera suffisant, car 85 % de la ville sera correcte. Je trouve cela épouvantable, ça veut dire qu’on est prêt à sacrifier une partie de la population qui habite dans le quartier Notre-Dame», a lancé Mme Desgagnés.
Cette dernière croit que le gouvernement n’agit pas de façon responsable dans le dossier et que la Fonderie impose ses choix.
«On a l’impression que c’est l’entreprise qui dicte les chiffres au gouvernement. Ça devrait être le gouvernement et la Santé publique qui devraient avoir des exigences», dit-elle.
Sur les ondes de QUB radio, la députée solidaire Émilise Lessard-Therrien, croit même que toute l’opération est «arrangée avec le gars des vues».
«La CAQ a posé la question à la Fonderie. Jusqu’à combien seriez-vous capable d’aller? Et c’est ce qu’on va annoncer et c’est exactement cela qui s’est passé!», s’est emporté la députée.
Une citoyenne située tout près de l’usine, dans le quartier Notre-Dame, Marjolaine Bizier, s’est dit peu impressionnée par l’annonce.
Photo Olivier Bourque
Marjolaine Bizier
«Il y a un manque de volonté de la part de l’usine et du gouvernement, mais ce n’est pas nous qui avons le gros bout du bâton», a-t-elle lancé.
Mme Bizier a été opérée pour un cancer aux poumons et est actuellement en rémission. Elle ne croit pas que les contribuables devraient verser «une cenne» pour une entreprise multimilliardaire.
«Pensez-vous que les citoyens vont aider Glencore ? On n’a pas d’argent à leur donner, c’est à eux à nous dédommager pour la pollution qu’ils ont fait», a-t-elle lancé.
Le Dr Frédéric Bonin, urgentologue à l’hôpital de Rouyn-Noranda depuis 2000, a accueilli le plan avec un mélange de colère et de tristesse.
«Ce qu’il faut rappeler, c’est que le 15 ng/m3, c’est un compromis. Là, ce qu’on nous dit, c’est que ça pourrait prendre au moins cinq ans avant de se rendre à un compromis, illustre-t-il. Un compromis sur un compromis, ça ne fait pas des enfants forts. Un moment donné il faut qu’on prenne ça au sérieux et qu’on arrive rapidement [au seuil de 3 ng/m3)», a-t-il lancé.
Le médecin, qui s’est impliqué de plus près dans le dossier dans la foulée de la publication de données de santé inquiétantes ce printemps — espérance de vie réduite de cinq ans, risques de cancer accrus et plus grande incidence de bébé de faible poids à la naissance —, estime qu’il est inacceptable de continuer à imposer à la population de vivre dans un tel environnement.
«Je l’ai dit au ministre Charrette, je l’ai dit au Dr Boileau. Nous ici on vit avec les conséquences des mauvaises décisions prises ou [l’absence de] décisions depuis 40 ans. Là on est tannés, on veut prendre des bonnes décisions pour le futur », s’indigne celui qui souhaite continuer à s’impliquer dans le dossier.
Au contraire, l’Association minière du Québec (AMQ) a salué Glencore pour ses efforts afin d’atteindre les cibles fixées par le gouvernement.
«Maintenant, la prochaine étape, c’est la consultation publique qui s’amorcera le 6 septembre. Tous les citoyens de Rouyn-Noranda et de la région auront l’occasion de se prononcer sur le sujet», a quant à lui souligné le ministre de l’Environnement, Benoît Charette.