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Avec le réchauffement climatique, les espèces invasives s’invitent en Méditerranée


Des crabes bleus ramassés à Canet-en-Roussillon (Pyrénées-Orientales), le 8 septembre 2022.

Ferdinand de Lesseps avait-il mesuré les conséquences de ses actes ? En faisant ouvrir le canal de Suez entre la mer Rouge et la Méditerranée, en 1869, le diplomate français a ouvert la porte aux espèces sous-marines des régions chaudes du globe. Un siècle et demi plus tard, à la faveur du changement climatique qui élève d’année en année la température de la Méditerranée, c’est l’invasion.

« Au moins 900 espèces non indigènes » y ont élu domicile, « dont plus de la moitié de manière permanente », a alerté, début septembre, l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). La Grande Bleue est en voie de tropicalisation. « Il se passe la même chose qu’en Australie, autre région du monde documentée sur le sujet, où des poissons quittent les récifs coralliens pour descendre vers le sud et pour déforester les fonds marins », relève Sébastien Villéger, chercheur au CNRS, à Montpellier.

Autrefois, les espèces entrées par le canal de Suez ne passaient pas l’hiver. C’est toujours le cas pour certaines d’entre elles, en France, où le thermomètre descend à 12 degrés. Mais maintenant que l’eau se réchauffe, en demeurant à plus de 15 degrés en saison froide, du Liban à la Sicile, certaines restent. Elles arrivent accrochées à la coque des bateaux ou transportées à l’intérieur des navires, dans les eaux de ballast. Certaines passent aussi en nageant, tandis que les masses d’eau transportent œufs et larves.

Une « pullulation impressionnante »

« Tout cela ne serait pas arrivé sans le canal », explique Serge Planes, directeur de recherche au CNRS. Les experts parlent d’ailleurs de migrations « lessepsiennes », en référence au promoteur de cette infrastructure. « L’invasion n’est pas vraiment nouvelle à l’est. De la Libye à la Syrie, des espèces originaires de la mer Rouge sont répertoriées depuis quinze à vingt ans », précise M. Planes. « La pullulation est parfois impressionnante mais, souvent, ces “aliens” consomment trop de ressources et périclitent rapidement », note-t-il.

Ils n’en sont pas moins « transformants » : c’est le cas de la rascasse volante, également appelée poisson-lion, qui a franchi le canal de Suez en 2012 pour devenir prolifique, en dévorant les poissons juvéniles natifs de Méditerranée ; ou du siganus, surnommé le poisson-lapin, qui broute les herbiers de posidonies et de cystoseires des fonds rocheux, ne laissant derrière lui qu’une fine moquette. Avec le réchauffement, ces nouvelles espèces colonisent maintenant le « grand bassin » situé entre Gibraltar et la Sicile, le Maghreb et la Côte d’Azur.

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Written by Stephanie

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