En Europe, comme dans le reste du monde, l’été 2022 fut un été meurtrier. Canicules à répétition, feux de forêt, inondations d’une ampleur jamais vue… Plus personne ne peut en douter, le bouleversement climatique s’accélère et risque d’échapper complètement à notre contrôle. Mais alors que nous sommes des millions à vouloir diminuer les émissions de gaz à effet de serre, d’autres continuent à vouloir extraire toujours plus de pétrole et nous mènent droit vers le chaos.
C’est dans le nord de l’Ouganda, dans l’un des plus beaux parcs naturels du monde [le Murchison Falls National Park], que TotalEnergies veut commencer, en décembre, les forages pour alimenter en pétrole brut ce qui serait le plus long pipeline chauffé au monde. Une infrastructure de 1 440 kilomètres chauffée à 50 °C, qui menace l’accès à l’eau et la sécurité alimentaire de plus de quarante millions de personnes.
Le projet implique déjà l’expropriation totale ou partielle de plus de cent mille personnes, principalement des petits paysans, qui ne peuvent plus cultiver leurs terres depuis plus de trois ou quatre ans et ce, trop souvent, sans avoir reçu d’indemnisation juste et préalable. Il a également pour conséquence que de nombreux enfants ne vont plus à l’école parce que leurs familles, qui ne sont plus en mesure de cultiver les terres qui les faisaient vivre, n’ont plus les moyens de payer les frais de scolarité.
Si nous n’arrivons pas à arrêter ce projet, ce sont jusqu’à 34 millions de tonnes de CO2 qui seraient émises chaque année durant vingt-cinq ou trente ans et précipiteraient le bouleversement climatique et son cortège de catastrophes meurtrières.
Total a fait 16 milliards d’euros de bénéfices en 2021 et plus de 19 milliards pour le seul premier semestre 2022, tandis que bon nombre de paysans ougandais sont privés du libre usage de leurs terres et attendent, pour certains depuis quatre ans, une juste compensation.
Pressions et intimidations
Et quand les communautés affectées tentent de faire valoir leurs droits et de proposer des alternatives – des énergies renouvelables plutôt que du pétrole –, on voit se multiplier pressions et intimidations : cinquante-quatre associations, dont plusieurs s’opposaient au projet Eacop (East African Crude Oil Pipe Line), ont été suspendues, de nombreux militants ont été harcelés et même arrêtés, notamment un défenseur des droits humains, qui a été jeté en prison pendant plus de cinquante jours sans procès.
Début août, un autre témoignait devant des députés européens de ce qu’il subit depuis qu’il s’est rendu en France en 2019, à l’occasion d’une audience judiciaire contre Total : « Je suis en train de me cacher à cause de TotalEnergies, à cause du harcèlement que Total m’a fait subir. (…) Quand je suis rentré de France, quelqu’un m’a appelé, il m’a dit que si nous gagnions le procès en France, ils nous tueraient. (…) Je vis encore dans la peur. »
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