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« L’Europe est passée, en moins de trois mois, de la pénurie au trop-plein de gaz »


Le « Hellas Poseidon », chargé de gaz de pétrole liquéfié, au port de Tarragone (Catalogne), le 20 octobre 2022.

L’actualité de l’énergie est si mouvante qu’elle nous offre périodiquement d’étranges tableaux. Comme celui représentant le Conseil européen, réuni vendredi 21 octobre, s’acharnant à trouver un accord pour plafonner le prix du gaz en Europe, avec, en arrière-plan, des dizaines de cargos bourrés de ce même carburant faisant la queue en Espagne ou au Royaume-Uni pour débarquer leur précieuse cargaison.

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Les agences Bloomberg et Reuters dénombraient, les 17 et 18 octobre, plus de sept méthaniers ancrés dans la baie de Cadix, en Andalousie, et deux dans celle de Milford, au Royaume-Uni. Ils seraient plus de trente-cinq à faire en ce moment des ronds dans l’eau au large des côtes espagnoles et portugaises. L’Europe est passée, en moins de trois mois, de la pénurie au trop-plein. En conséquence, les prix sur le marché spot, c’est-à-dire pour livraison immédiate, se sont effondrés de 80 % par rapport à leur pic du mois d’août. Ils sont désormais plus bas qu’il y a un an, avant le déclenchement de la guerre en Ukraine.

Le temps doux a diminué le besoin de chauffage, le ralentissement chinois a réduit la demande et l’industrie européenne a baissé sa consommation, face à l’explosion des prix, cet été. Résultat, les stocks sont tous pleins. On ne sait plus où les mettre. Bien sûr, les écarts restent importants. Pour une livraison cet hiver, le prix est deux fois plus élevé, tandis que le gaz reste deux à trois fois plus cher en République tchèque qu’en France ou au Royaume-Uni. Cette situation encourage d’ailleurs les affréteurs des bateaux à attendre un peu au soleil que les cours remontent à la faveur du retour du froid.

Anachronique

Cette situation donne un argument à l’Allemagne contre le principe d’un plafonnement des prix, quand elle assure qu’un tarif élevé dissuade la surconsommation. Mais lui en enlève un, quand elle soutient qu’un tel plafond détournerait les livraisons vers d’autres zones du monde. Ce phénomène repose également la question de la pertinence de construire de nouveaux terminaux méthaniers sur le Vieux Continent.

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L’Europe présente déjà la plus forte densité au monde de ce type d’installation (une trentaine). Mais ils ne sont pas bien répartis. L’Espagne en a trop, quand l’Allemagne n’en a pas assez. D’où la pression de Berlin pour que la France accepte de s’entendre avec l’Espagne pour construire un nouveau gazoduc permettant de vendre le GNL espagnol à l’Europe du Nord et du Centre.

Accroître exagérément les capacités d’accueil et de transport de gaz naturel en plein combat contre les énergies fossiles paraît pour le moins anachronique. Il serait dommage d’investir des milliards dans une technologique dont on souhaite le déclin. D’où l’idée proposée par la France d’un pipeline sous-marin entre Barcelone et Marseille, dont les promoteurs se sont empressés d’expliquer qu’il serait destiné à transporter de l’hydrogène, appelé à remplacer le gaz naturel dans les décennies futures. Mais ce chantier pharaonique pose d’innombrables questions technologiques et environnementales et ne devrait donc pas voir le jour avant de nombreuses années.

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Written by Stephanie

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