Le gaz sénégalais attise les convoitises. Les champs partagés avec la Mauritanie, au large des côtes, devraient produire 2,5 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié (GNL) par an à partir de la fin 2023, puis 10 millions de tonnes en 2030, comme l’a répété le président sénégalais, Macky Sall, lors d’un sommet consacré au secteur des hydrocarbures, organisé à Dakar les 1er et 2 septembre. Des perspectives qui n’ont pas échappé aux pays européens, sur fond de bras de fer avec Moscou autour des livraisons de gaz russe.
Dès le mois de mai, l’Allemagne a annoncé être en discussions « intensives » avec le Sénégal afin de s’y fournir en GNL. Au total, 500 milliards de mètres cubes de gaz ont été découverts dans le gisement de la Grande Tortue Ahmeyim (GTA), situé lui dans les terres, à la frontière avec la Mauritanie. La phase 1 de ce projet commun entre les deux Etats voisins, aux côtés de l’opérateur britannique BP, de l’américain Kosmos Energy, de la société nationale sénégalaise Petrosen et de la Société mauritanienne des hydrocarbures et de patrimoine minier, était réalisée à plus de 82 % fin juillet.
« Trois des quatre puits ont été forés, les conduits sous-marins pour relier les différentes plates-formes offshore ont commencé à être installés, et le brise-lames qui va protéger l’unité de liquéfaction a été posé », a résumé, lors du sommet du 1er septembre, Gordon Birrell, vice-président exécutif production et opérations de BP. Des tests devraient pouvoir être effectués à la mi-2023 afin que la production – principalement vouée à l’exportation – soit effective au dernier trimestre de la même année.
« Coût de transport réduit »
Face à la nouvelle donne géostratégique, le Sénégal est incité à redéfinir sa politique énergétique. A l’origine, les premières livraisons étaient destinées aux seuls marchés asiatiques, le marché européen étant « capté et préempté par le gaz russe », rappelle Mamadou Fall Kane, le conseiller énergie du président sénégalais. Mais la guerre en Ukraine, déclenchée le 24 février, a rebattu les cartes. « De nouvelles opportunités s’ouvrent à nous », se félicite celui qui est également secrétaire général adjoint du Comité d’orientation stratégique du pétrole et du gaz, affirmant que l’Allemagne pourra compter sur de premières livraisons à compter de juillet 2024.
De bonne source, Berlin serait même prêt à payer son gaz trois fois plus cher que les prix proposés par BP en 2018. Des discussions sont en cours pour réévaluer le contrat d’achat. « L’Italie, le Portugal et la République tchèque ont aussi manifesté leur intérêt pour les phases 2 et 3 », ajoute Adama Diallo, directeur général de Petrosen, à la recherche de clients, mais également de financements, pour la suite du projet. Le gaz s’est ainsi trouvé au cœur des discussions entre Macky Sall et Andrzej Duda lors de la visite du président polonais à Dakar, le 8 septembre.
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