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« Mourir du Covid-19, c’est mourir d’un virus autant que d’un monde abîmé »

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En 1976, l’historien et démographe Emmanuel Todd avait flairé la décomposition en cours et l’effondrement inéluctable de l’Union soviétique (La Chute finale, Robert Laffont, 1976). C’est un fait d’armes célèbre qui a valu à l’intéressé une gloire intellectuelle que quarante ans et quelques polémiques malheureuses n’ont pas réussi à estomper tout à fait. Cette prévision remarquable, comme l’a depuis expliqué moult fois son auteur, a tenu à une enquête sur les conditions d’existence et de mortalité (mortalité infantile, espérance de vie, taux de suicide…) des femmes et des hommes d’URSS, plutôt qu’à une analyse de la puissance de l’Etat soviétique, à des considérations géopolitiques ou macroéconomiques. M. Todd l’explicitait ainsi : « On peut apostropher tout système social au moyen de la formule : “Dis-moi comment tes citoyens meurent, je te dirai qui tu es.” »

La question nous est aussi posée. Des travaux publiés le 17 octobre dans la revue Nature Human Behaviour y répondent par des chiffres frappants. Dans un bilan de deux ans de Covid-19, les auteurs montrent que les années 2020 et 2021 ont été marquées par un recul de l’espérance de vie dans une grande majorité des pays d’Europe – les anciens pays du bloc soviétique étant les plus touchés.

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Mais le fait saillant de cette analyse est surtout la situation singulière des Etats-Unis. En deux années de pandémie, le pays le plus riche et le plus puissant d’Occident a vu l’espérance de vie de ses habitants s’effondrer de près de deux ans et demi – l’un des pires bilans, juste après la Bulgarie et la Slovaquie. L’espérance de vie des Américains a chuté en 2020 et elle n’a pas rebondi en 2021, poursuivant son déclin. On pourrait relativiser cette catastrophe à peu de frais en l’attribuant simplement à la nouvelle maladie, et penser que, dans quelques années, tout redeviendra comme avant. Ce serait ne pas voir l’essentiel.

Cet affaissement brutal de l’espérance de vie américaine ne surgit pas de nulle part. Il intervient après une stagnation entamée voilà près d’une décennie : à bien des égards, le Covid-19 a agi comme révélateur et adjuvant de crises sous-jacentes qui travaillent la société américaine depuis vingt à trente ans.

Situation singulière

Chercheurs et spécialistes de santé publique parlent depuis peu de « syndémie » pour décrire cette intrication de facteurs délétères qui se potentialisent et s’aggravent mutuellement. Mourir du Covid-19, c’est aussi mourir de l’alimentation industrielle ultra-transformée, souvent la plus accessible, qui favorise le diabète et l’obésité ; c’est aussi mourir d’une variété de pollutions qui dégradent la réponse immunitaire et augmentent de manière parfois spectaculaire la virulence de la maladie ; c’est aussi mourir du dysfonctionnement des systèmes de santé, de l’isolement dû à l’addiction aux opioïdes, ou encore de la dispersion massive de fausses informations – de celles qui détournent du masque ou du vaccin. Mourir du Covid-19, en somme, c’est mourir d’un virus autant que d’un monde abîmé.

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Written by Stephanie

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