Lorsque, au détour des années 2010, l’idée de renouer avec l’histoire thermale de Nancy a germé dans l’esprit d’André Rossinot, alors maire, la question de l’énergie et celle de l’eau, une ressource devenue si précieuse, n’étaient pas encore au centre des préoccupations. Trois décennies après, un vaste pôle thermal urbain qui joue la carte de la sobriété environnementale, créé sur le site d’un projet inachevé datant du début du XXe siècle, va ouvrir ses portes à Nancy. L’exploitation du lieu, qui devrait être opérationnel dans quelques mois, a été confiée à ValVital, le numéro deux français de l’industrie thermale.
« Vous ne vous imaginez pas le nombre de personnes qui m’interpellent pour jouer les cobayes durant les quatre mois de la marche à blanc qui commencera à la mi-décembre », a lancé, mardi, Mathieu Klein, maire (PS) de Nancy. Entre l’idée d’un maire qui voulait relancer l’attractivité de sa ville et la concrétisation d’un projet à 100 millions d’euros, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts ! C’est un défi, aujourd’hui, d’ouvrir un complexe thermal, au moment où les exigences du développement durable, la gestion des ressources et les contraintes énergétiques sont de plus en plus pressantes !
Pas tant que ça, finalement, puisque l’eau qui alimentera les 3 230 mètres carrés de bassins offrant 18 points d’activités aquatiques, des bébés nageurs jusqu’aux curistes venus pour des soins en rhumatologie, sort du sol chaude, puisée sur le site même, à une profondeur de 800 mètres, sans aucun prélèvement sur le réseau d’eau potable.
« Beaucoup d’atouts »
« Ce projet a beaucoup d’atouts, note Nicolas Chabanne, un des architectes chargés de l’ingénierie des fluides du projet. Il se situe en centre-ville, et pas dans la campagne ou la périphérie, donc ça limite les déplacements. Mais la grande chance, c’est qu’on n’a pas besoin de chauffer l’eau. Avec cette eau à 34,5 °C on est entre 25 °C et 30 °C pour la partie aquatique et ludique et pour la partie thermale les soins, on est entre 34 °C et 40 °C. » Nancy Thermal n’aura donc pas à connaître les difficultés rencontrées par certaines piscines municipales, obligées de fermer leurs portes pour cause d’explosion des coûts du chauffage au gaz.
Quand tous les bassins sont pleins, le centre utilise 4 500 mètres cubes en instantané
Reste la quantité d’eau nécessaire au fonctionnement du complexe. Une eau thermale sous haute surveillance, utilisée pour tous les bassins, qu’ils soient ludiques ou de cure. Quand tous les bassins sont pleins, le centre utilise 4 500 mètres cubes en instantané ! Le puisage se situe dans le périmètre du centre. Il pompe dans une très grande nappe phréatique qui va jusqu’en Allemagne, et même en période de sécheresse le niveau reste constant. Pas de déperdition de chaleur, le circuit est extrêmement court. Une fois utilisée, l’eau est rejetée dans le réseau d’eau pluviale de la ville.
Quant au chauffage de l’air ambiant, le projet évite toute consommation d’énergie fossile. Le centre est relié au réseau de chauffage urbain de la métropole, issu d’énergies renouvelables (biomasse, valorisation des déchets, cogénération). Anne Démians, qui a mené le chantier architectural, s’est inscrite dans la suite de la construction originelle Art nouveau signée de l’architecte Louis Lanternier, auquel elle a juxtaposé une architecture contemporaine, tout en réhabilitant quelques éléments remarquables, une piscine ronde cernée de mosaïques bleu-vert du plus bel effet, ou des menuiseries de Jean Prouvé replacées dans la galerie.
« Le bâtiment est passif, explique Mme Démians. Il est clos, avec des murs en béton pour l’inertie thermique, avec très peu de façades par rapport à la surface développée. L’eau, la base de l’activité, qui arrive chaude est une énergie gratuite. Et elle est même utilisée plusieurs fois, recyclée pour les douches après être passée dans l’espace cure ». Vertueux jusqu’au bout, le chantier s’est même attaché à préserver la présence d’une petite grenouille de 2 centimètres, l’Alyte accoucheur, dont 385 individus ont été capturés et relâchés dans le parc voisin. Elles seront sous surveillance pendant les dix prochaines années.