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La « médecine quantique », de fausses thérapies qui surfent sur les révolutions de la physique quantique

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Quel est le lien entre la physique quantique tout juste couronnée d’un nouveau prix Nobel et les « thérapies quantiques » ? La première n’est ni plus ni moins qu’une révolution scientifique qui a bouleversé notre compréhension de la matière, alors que les secondes sont dénuées ou presque de fondement scientifique – elles ont été partiellement chassées de Doctolib quand l’entreprise a été contrainte de bannir les thérapies alternatives en août. Comment des dérives thérapeutiques ont pu se parer des atours d’une révolution scientifique ? Explications.

Qu’est-ce que la physique quantique ?

Née dans la première partie du XXe siècle, la physique quantique est un ensemble de concepts physiques et d’outils mathématiques qui décrit le comportement de la matière au niveau de l’atome. Elle a bouleversé notre compréhension de la matière héritée de la mécanique classique. Dans ce nouveau cadre théorique, les particules et la lumière ont en effet des propriétés qui rompent avec les lois de la physique traditionnelle et défient le sens commun.

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Le physicien français Alain Aspect a ainsi reçu le prix Nobel de physique 2022 pour ses travaux sur l’intrication quantique. Ses recherches, qu’il qualifie de « seconde révolution quantique », ont montré dans les années 1980 que dans certaines conditions, des particules, même en étant éloignées, pouvaient être comme liées par un fil invisible. Ce n’est pas seulement une révolution théorique : ces avancées ont permis des avancées technologiques majeures.

Pourquoi la physique quantique a suscité des dérives ésotériques ?

Très tôt, les propriétés hors normes décrites par la physique quantique suscitent le fantasme. « C’est l’un des rares objets scientifiques qui permette de fantasmer, et un support de science-fiction assez génial », résume Richard Monvoisin, didacticien des sciences et auteur de Quantox. Mésusages idéologiques de la mécanique quantique (éditions Book-e-book, 2013).

Chez plusieurs acteurs de la physique quantique, Les propriétés de l’infiniment petit ont remis en cause la conception du monde. Erwin Schrödinger, auteur de la célèbre « expérience du chat » du même nom, consacre ainsi la seconde partie de sa vie à des travaux philosophiques qui le rapprochent du Védanta, une doctrine hindouiste, et formule l’hypothèse d’une conscience de l’univers. A la suite d’une illumination mystique, le physicien américain d’origine autrichienne Fritjof Capra fait dans Le Tao de la physique, en 1975, des parallèles entre physique quantique et mysticisme oriental.

Lorsqu’au lendemain de la guerre du Vietnam, dans les années 1970, le mouvement hippie s’oriente vers la spiritualité, les religions asiatiques et l’ésotérisme, des étudiants en physique quantique participent de l’émergence du New Age, mouvement spiritualiste hétéroclite. Le Tao de la physique en devient l’un des best-sellers. « On a une récupération de la science, qui donne un vernis scientifique aux théories pseudoscientifiques ou ésotériques ; cela leur permet de raconter qu’ils apportent des réponses tellement uniques sur le monde qu’ils dépassent les limites de la science », détaille Romy Sauvayre, sociologue des croyances au CNRS. Ainsi apparaissent des pseudo-disciplines mêlant terminologie quantique et approche corps-esprit.

Qu’est-ce que la « médecine quantique » ?

Créée à la fin des années des années 1980 par l’endocrinologue indo-américain Deepak Chopra, auteur du best-seller Le Corps quantique. Trouver la santé aux confins du corps et de l’esprit (1989), la « médecine quantique » postule que le corps humain et l’esprit forment un tout, dégageant un champ vibratoire, dont l’équilibre ou le déséquilibre sont synonymes de santé ou de maladie. Le praticien est censé aider à rééquilibrer les énergies du patient.

La discipline s’inspire des concepts de la physique quantique, mais surtout de son vocabulaire. Elle multiplie les références au biophysicien allemand Fritz-Albert Popp, qui a popularisé le concept de « biophotons », des photons émis par les corps vivants. La médecine quantique le reprend à son compte et postule qu’il est possible de soigner grâce aux « ondes électromagnétiques émises par le corps ».

La médecine quantique emprunte en réalité surtout aux médecines chinoises et ayurvédiques. Elle les saupoudre de concepts plus nouveaux comme celui de biorésonance, soit l’idée qu’un corps vivant génère des ondes qui sont mesurables. Il a notamment donné naissance à des machines de biofeedback (ou « rétroaction biologique »), censées capter les ondes vibratoires du patient et interagir avec elles.

Cette discipline est-elle scientifiquement recevable ?

Dans le cas de la médecine quantique, le caractère scientifique fait défaut. « Dans la guérison quantique de Chopra, c’est terrible à dire, mais rien ne fait sens », juge Richard Monvoisin. Interrogé sur ses emprunts maladroits à la physique quantique, Deepak Chopra reconnaît en 2013 qu’il y voit « juste une métaphore. »

La théorie est même violemment rejetée dans le monde académique. « Une absurdité », balayait en 2016 le physicien français Claude Aslangul, professeur émérite à l’université Pierre-et-Marie-Curie, « car elle associe deux mots relatifs à deux disciplines utilisant des méthodologies inévitablement et radicalement différentes car poursuivant des objectifs n’ayant rien en commun ». Pour lui, impossible de transposer la physique de l’infiniment petit à « l’organisme humain dans sa globalité et sa complexité qu’il serait illusoire et vain de vouloir réduire à un ensemble de mécanismes élémentaires ». « Quand vous mettez plein d’atomes ensemble, les niveaux quantiques vont diminuant. A l’échelle humaine, les niveaux quantiques vont être tellement serrés qu’il n’y a plus d’effet », appuyait dans Marianne, au début de l’année, l’universitaire Julien Bobroff, physicien et professeur à l’université Paris-Saclay.

Dans la « médecine quantique » et ses nombreux affidés (acupuncture quantique, sophrologie quantique, etc.), l’emprunt aux sciences tient davantage de l’effet de manche. « Ce qui plaît, c’est le mot, qui fait à la fois mystérieux et scientifique. “Hypnose”, c’est pas mal, mais avec “hypnose quantique”, on donne l’impression d’aller beaucoup plus loin ! » souligne Romy Sauvayre. Quant à la notion de biorésonance, elle n’a jamais été validée scientifiquement.

Quels sont les risques ?

D’un point de vue médical, la médecine quantique ne dépasse pas l’effet placebo. Beaucoup de thérapies dont l’efficacité n’a jamais été prouvée ne sont pas intrinsèquement dangereuses puisqu’elles n’ont aucun effet mesurable. Mais recourir aux médecines alternatives peut être source de retard de diagnostic et de perte de chance.

Certains thérapeutes « quantiques » laissent ainsi entendre que les appareils dont ils disposent permettent de repérer les cellules cancéreuses. « A-t-on le droit de soigner avec une théorie spéculative ? La vie des gens est en jeu, » s’inquiète Bruno Falissard, épistémologue spécialiste dans l’évaluation des théories médicales non conventionnelles.

Les thérapies « quantiques » peuvent aussi s’avérer très onéreuses. Un « bioénergéticien quantique » qui propose aux internautes un mélange de vocabulaire ésotérique et de discours pseudoscientifique facture ainsi plus de 400 euros la masterclass de deux jours. Sur les portails de médecine douce ou sur leurs propres plates-formes, d’autres praticiens se revendiquant des thérapies « quantiques » proposent leurs services pour une soixantaine d’euros, voire davantage.

Ces offres thérapeutiques suscitent l’extrême vigilance, notamment, de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, particulièrement lorsque ces pratiques sont réalisées par des professionnels de santé dont le métier est encadré par la loi, comme les sophrologues, les acupuncteurs et les hypnothérapeutes.

En 2019, un masseur-kinésithérapeute promouvant la « thérapie quantique intégrative » a ainsi été condamné par l’Ordre national des masseurs-kinésithérapeutes, après appel, à trois mois d’interdiction d’exercice (dont un mois et demi avec sursis) pour avoir fait la promotion sans réserve d’une « nouvelle pratique insuffisamment éprouvée » et manqué à son obligation de prudence. William Nelson, un américain qui vend des appareils de « biofeedback » dont les prix peuvent aller jusqu’à 17 000 euros l’unité, s’est, lui, réfugié en Hongrie depuis sa condamnation aux Etats-Unis pour tromperie médicale.

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Written by Milo

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