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Quand le trouble de l’attention devient un enjeu publicitaire sur TikTok


Des entreprises de santé américaines investissent dans la publicité sur TikTok pour vendre des médicaments liés aux troubles de l’attention et de l’hyperactivité. Les ventes explosent en dépit d’un réel diagnostic médical.

La pandémie a eu des conséquences non négligeables sur la santé mentale de la Génération Z, ces jeunes nés entre 1997 et 2010, et très présents sur TikTok. Des entreprises de santé investissent massivement ce marché sous la forme de publicités sur la plateforme afin de vendre des médicaments qui traitent les troubles du déficit de l’attention et de l’hyperactivité. Comme le relève Vox dans un article à ce sujet. Par exemple Cerebral, l’une de ces entreprises, a dépensé 13 millions de dollars en publicités TikTok entre janvier et mai 2022, selon Pathmatics, ce qui en fait le troisième plus gros acheteur de publicités de la plateforme pendant cette période, juste derrière Amazon et HBO.

Un hashtag viral

Sur le réseau social, nombre d’utilisateurs partagent leurs symptômes à ce qui pourrait s’apparenter à des troubles du déficit de l’attention et de l’hyperactivité, ou TDAH, à travers le hashtag #ADHDTikTok. ADHD étant l’équivalent anglais pour Attention Deficit Hyperactivity Disorder. Un trouble qui nécessite pourtant un diagnostic médical poussé et qui doit être suivi.

Les vidéos TikTok utilisant le hashtag #ADHD ont été vues plus de 14 milliards de fois, et le hashtag #ADHDTikTok plus de 4 milliards, souligne Vox. Il existe également de nombreux “influenceurs TDAH” avec des milliers, voire des millions, d’adeptes. Ils publient généralement des messages sur ce qu’est de vivre avec ce trouble, partagent des conseils et énumèrent une myriade de symptômes. Problème, beaucoup d’entre eux ne sont pas des professionnels de santé et peuvent fournir des informations erronées.

Capture d'écran TikTok du hashtag #ADHD
Capture d’écran TikTok du hashtag #ADHD © Capture

Surfant sur le mal-être de certains jeunes, des sociétés comme Done ou Cerebral proposent des téléconsultations de 30 minutes pour diagnostiquer si oui ou non la personne peut être atteinte de TDAH. Mais des enquêtes menées par Bloomberg et le Wall Street Journal montrent que ces sociétés chercheraient avant tout à vendre de l’Adderall, un médicament destiné aux personnes atteintes d’un trouble du déficit de l’attention et de l’hyperactivité.

Miser sur la publicité massive

Cerebral mise avant tout sur les algorithmes de TikTok et investit massivement dans la publicité sur la plateforme pour gagner en visibilité. Cela passe par des messages comme “Avez-vous déjà pensé que vous pourriez avoir le TDAH?” Certaines publicités suggèrent que des symptômes, aussi courants que des difficultés de faire plusieurs choses en même temps, la concentration et le stress, ainsi qu’une mauvaise planification, la procrastination et la désorganisation, peuvent être des symptômes.

De son côté Done, a dépensé 3,4 millions de dollars en publicités TikTok entre janvier 2022 et fin juillet et passent par des influenceurs qu’ils rémunèrent.

Croissance exponentielle de ces entreprises

Comment expliquer la croissance de ces entreprises? Vox explique que durant “la pandémie, le gouvernement américain a renoncé à une règle exigeant que les patients voient un professionnel de santé en personne avant qu’une substance contrôlée puisse être prescrite. Cela a permis à des applications de télésanté ou de soins virtuels totalement distantes, de prescrire des médicaments, le tout via leur application mobile. Certaines de ces startups ont vu une opportunité: Cerebral, par exemple, a ajouté le traitement du TDAH à ses offres début 2021 et aurait décuplé ses ventes auprès de dizaines de milliers de nouveaux patients, obtenu des centaines de millions de dollars de financement et dépensé beaucoup en publicité sur les médias sociaux “.

Conséquences, entre le début de 2020 et la fin de 2021, les prescriptions d’Adderall et de ses équivalents génériques ont augmenté de près de 25 % au cours de la pandémie pour la tranche d’âge 22-44 ans, une tendance que le cabinet d’analyse des soins de santé Trilliant Health a attribuée à “l’émergence de plateformes numériques de santé mentale.” Dans le même temps, ces médicaments ont connu des pénuries.

La responsabilité des plateformes

La deuxième raison de cette croissante vient du fait que TikTok n’a aucune obligation légale de garantir l’exactitude de ce que ses utilisateurs publient. Contrairement aux fabricants de médicaments sur ordonnance, un service comme Cerebral a beaucoup moins de règles à respecter.

Pourtant, en janvier dernier, Cerebral a diffusé sur les réseaux sociaux une publicité associant les troubles de l’alimentation à celui des troubles du déficit de l’attention et de l’anxiété. L’annonce indiquait que l’obésité était “cinq fois plus répandue” chez les adultes atteints de TDAH, et que le fait d’obtenir un traitement pour le trouble de santé mentale pourrait aider les patients à “arrêter de trop manger”. Meta a supprimé la publication, suivie de TikTok deux jours plus tard.

Capture de la publicité de Cerebral sur TikTok via NBCNews
Capture de la publicité de Cerebral sur TikTok via NBCNews © Capture

Premiers revers

Aux Etats-Unis, de grandes chaînes de pharmacies n’acceptent plus les ordonnances de certains des services de télésanté TDAH les plus importants.

Peu de temps après la publication des articles de Bloomberg et du Wall Street Journal, Cerebral a annoncé qu’il faisait l’objet d’une enquête du ministère de la Justice sur d’ éventuelles violations de la loi sur les médicaments contrôlés et d’une enquête de la Federal Trade Commission sur ses pratiques de commercialisation. Cerebral a cessé de prescrire des substances contrôlées pour le TDAH aux nouveaux patients.

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Written by Germain

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