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Découverte d’un deuxième cratère d’impact qui pourrait être lié à la disparition des dinosaures



Il y a presque 40 ans, Walter Alvarez, alors jeune géologue fraîchement émoulu de l’université de Berkeley, a amorcé une révolution dans les sciences de la Terre en découvrant qu’une étrange strate argileuse sombre marquait la disparition subite du plancton marin à la fin du Crétacé et au début de l’ère tertiaire. Or, c’est à cette époque que disparaissent aussi non seulement les grands reptiles marins, les ammonites et les bélemnites, mais surtout les dinosaures.

Avec son père, le prix Nobel de physique Luis Alvarez, et surtout avec les chimistes Frank Asaro et Helen Michel, tous de l’université de Berkeley, il entreprit de faire parler la couche en la datant et en l’analysant précisément. La strate s’avéra contenir une quantité anormalement élevée d’un élément rare à la surface de la Terre, l’iridium. Ce métal étant abondant dans les comètes et les astéroïdes, Walter Alvarez en déduisit que la crise biologique survenue il y a 66 millions d’années, la fameuse crise du Crétacé-Tertiaire (ou K-T, de l’allemand Kreide-Tertiär), était due à la chute d’un petit corps céleste sur Terre.

Il en aurait résulté un méga-tsunami, mais aussi des éjectas de matière brûlante qui vont mettre le feu à une bonne partie des forêts de la Planète, et un volume considérable de poussières et d’aérosols qui seraient montés dans la haute atmosphère, se répandant sur le globe et modifiant le climat et l’insolation en provoquant un refroidissement global faisant s’écrouler la chaîne alimentaire.

Une vue d’artiste de la crise KT, la grande extinction provoquée par la chute d’un astéroïde sur Terre il y a 66 millions d’années. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Mark A. Garlick

Un deuxième grand cratère d’impact à la fin du Crétacé ?

Les dinosaures non-aviens n’ont pas survécu à cette catastrophe et une bonne partie de la biosphère non plus, déjà sans doute éprouvée par les éruptions géantes à l’origine de la formation des plateaux basaltiques (les trapps) du Deccan, à l’ouest de l’Inde. Cette thèse a été vérifiée dans les grandes lignes depuis que l’on a trouvé un grand cratère d’impact précisément corrélé au dépôt de la couche d’argile noire, l’astroblème de Chicxulub.

Une équipe de chercheurs en géosciences et planétologie vient d’apporter une nouvelle contribution à la thèse de Walter Alvarez en publiant un article dans le prestigieux journal Science Advances, article accompagné d’une autre destiné au grand public dans un autre périodique : The Conversation.

Les géologues, géophysiciens et planétologues y annoncent avoir identifié à plus de 300 mètres sous le fond marin, à environ 400 kilomètres au large des côtes de la Guinée, en Afrique de l’Ouest, une structure qu’ils ont surnommée le cratère Nadir, d’après le volcan voisin Nadir Seamount. Son diamètre est d’environ 8,5 kilomètres et son âge est certainement très proche de celui du cratère de Chicxulub au Yucatán, c’est-à-dire environ 66 millions d’années.

Or, les caractéristiques du cratère Nadir sont aussi celles d’un cratère d’impact, caractéristiques d’où il ressort qu’il est probable que l’astéroïde qui l’a créé mesurait un peu moins d’un demi-kilomètre de diamètre. Bien que nettement moins important, son impact sur la biosphère aurait été comparable à celui de l’événement survenu au Yucatán.

Il y a tout juste 40 ans, les scientifiques découvraient une couche d’iridium répandue sur notre Planète, preuve d’un impact cosmique à la surface de la Terre. Retour sur une enquête incroyable qui a mis en évidence les preuves d’une extinction massive il y a 66 millions d’années avec un enseignant-chercheur au laboratoire Géosciences Paris Sud de l’université Paris-Saclay, Sylvain Bouley. Il déchiffre les surfaces planétaires afin de reconstituer l’histoire de notre Système solaire. Spécialiste de la planète Mars et des cratères d’impact, il est également co-responsable des programmes FRIPON et Vigie Ciel. © Festival d’Astronomie de Fleurance

Un exemple de sérendipité

Comme on dit, la découverte du cratère Nadir s’est faite par sérendipité fin 2020. Les chercheurs voulaient simplement au départ préciser la structure géologique des fonds marins de l’Atlantique dans le cadre d’un projet visant à reconstruire la séparation tectonique de l’Amérique du Sud de l’Afrique à l’époque du Crétacé, du fait de la dérive des continents.

Pour cela, ils ont eu recours à la technique bien connue de la « réflexion sismique » qui est utilisée depuis des décennies pour faire également de la prospection marine à la recherche de gisements de pétrole et de gaz. Pour ce faire, des canons à air comprimé, des canons à eau ou des vibrateurs acoustiques génèrent des ondes de choc, comme dans le cas d’explosion, ondes de choc qui sont réfléchies et réfractées par leur passage dans les couches de sédiments et de roches avant d’être captées ensuite par des hydrophones ou autres capteurs sismiques répartis le long de câbles tirés par un navire. On peut alors faire l’équivalent de l’échographie en médecine.

Beaucoup des caractéristiques de la structure en forme de cratère découvertes sont compatibles avec un cratère d’impact, comme le rapport hauteur-largeur et la hauteur du bord du cratère, ainsi que la présence de dépôts chaotiques à l’extérieur du fond du cratère qui ressemblent à des « éjectas » – des matériaux expulsés du cratère immédiatement après une collision.

Comme dans le cas de l’impact de Chicxulub, il a été possible de simuler numériquement sur ordinateur ce qui a pu se passer, à la recherche des meilleurs paramètres pour un modèle capable de reproduire les caractéristiques du cratère de Nadir.

Le scénario qui le permet le mieux est celui d’un astéroïde de 400 mètres de diamètre frappant un océan de 800 mètres de profondeur. L’énergie libérée aurait été environ mille fois supérieure à celle de la récente éruption des Tonga. Le choc aurait alors produit un tremblement de terre de magnitude 6,5 ou 7, ce qui aurait probablement déclenché des glissements de terrain sous-marins dans la région et certainement un tsunami accompagné de la vaporisation instantanée de l’astéroïde et d’un volume substantiel de sédiments – avec une grosse boule de feu visible à des centaines de kilomètres, comme l’explique l’article de The Conversation.

Un scénario à la Shoemaker-Levy 9 ?

La question se pose maintenant de la relation entre l’astroblème de Nadir et celui de Chicxulub. Ils sont d’âges comparables mais comme la taille de l’impacteur du cratère Nadir est plus petite que celle du cratère du Yucatán, l’estimation de la fréquence des impacts d’un petit corps céleste d’environ 400 mètres de diamètre est d’environ un tous les 700.000 ans sur Terre. On ne peut donc pas exclure une coïncidence remarquable, étant donné que l’âge du cratère Nadir est estimé avec une incertitude de plus ou moins un million d’années par rapport à celui de la limite KT.

Il pourrait s’agir cependant bel et bien de deux impacts simultanés produits par un petit corps céleste d’une dizaine de kilomètres de diamètre qui se serait fragmenté telle la comète de Shoemaker-Levy 9 sous l’effet de forces de marée au voisinage de la Terre. On trouve d’ailleurs sur la Lune des chaînes de cratères d’impact témoignant d’un événement similaire à celui vu sur Jupiter en 1994 avec Shoemaker-Levy 9.

C’est l’hypothèse du « petit frère » ou de la « petite sœur » si l’on suppose que l’impacteur de Chicxulub était une comète.

Dernière hypothèse, celle du « petit cousin ». Le cratère Nadir aurait alors été causé par un des fragments d’une collision importante dans la ceinture d’astéroïdes, fragments dont un autre serait à l’origine de celui de Chicxulub.

Toujours comme l’explique l’article de The Conversation, « nous ne pouvons tester les hypothèses de la petite sœur et du petit cousin qu’en datant avec précision le cratère à l’aide de ces échantillons, ainsi qu’en recherchant d’autres cratères candidats d’un âge similaire ».

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Written by Stephanie

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